Shame

Steve Mac Queen

Avec Michael Fassbender (Brandon ), Carey Mulligan (Sissy, sa sœur), Nicole Beharie (Marianne)

Couleurs - 2011 - DVD

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http://www.priceminister.com/offer/buy/151052660/shame-de-steve-mcqueen-ii.html

L'intrigue

Brandon, est un cadre trentenaire qui vit seul dans son appartement new-yorkais. Il partage son existence entre son travail, ses collègues et son obsession pour le sexe, jusqu’à ce que Sissy, sa sœur, s’installe dans son appartement et dérange cette existence bien réglée.

  • Michael Fassbender (Brandon ) pendant une scène de sexe à plusieurs

  • Michael Fassbender (Brandon ) et Nicole Beharie (Marianne)

  • Michael Fassbender (Brandon ), Carey Mulligan (Sissy, sa sœur)

  • Carey Mulligan (Sissy, la sœur de Brandon)

  • Michael Fassbender (Brandon )

  • Michael Fassbender (Brandon ) et une prostitué

  • Michael Fassbender (Brandon )

  • Michael Fassbender (Brandon )

  • Nicole Beharie (Marianne)

  • Shame: L'affiche

  • Shame: Le dvd

  • Steve Mac Queen

  • Steve Mac Queen avec les comédiens

Obsédé et pornographe

Brandon est un jeune émigré irlandais qui vit à New York et mène une existence enviée et trépidante. Il est apprécié par ses employeurs et bien intégré. Il éprouve cependant une difficulté qu’il partage avec beaucoup de ses contemporains occidentaux: Il a un problème dans ses rapports avec l’autre sexe. Brandon ne peut désirer sexuellement une femme qu’à la condition qu’il ne ressente aucun sentiment pour elle. L’arrivée de sa sœur exacerbe ce rapport « tordu » au désir et le pousse à la surenchère. Certes, le comportement de Brandon est particulier, mais ce n’est pas un mauvais sujet, simplement il a de plus en plus de difficulté à gérer ce jeu subtil d’attirance et de répulsion qui s’engage à chaque fois qu’il rencontre une femme. Brandon a besoin de l’autre. Il a besoin d’être en relation avec l’autre sexe, d’approcher les femmes et de les séduire, mais cette attirance ne peut trouver à s’exprimer qu’à travers une relation codée, tarifée, maîtrisée et sexuelle sans quoi il se sent atteint et menacé.
L’obsédé, puisque c’est bien d’obsession dont il s’agit, a besoin que celui qu’il désire reste dans cette zone de non-distinction entre objet et sujet. L’objet, on peut s’en servir et le jeter, mais il est toujours décevant, tandis que le sujet le menace et « ça la lui coupe ». Dolto définit le lien particulier que l’obsédé entretient avec l’objet de son désir : « L’être élu est quelqu’un qui doit entrer dans son cirque et ne peut pas avoir d’autres motivations que celles que lui-même lui prête. C’est une mise en scène fixe dans laquelle il est en sécurité. Tout pourrait advenir si on y change quelque chose. Donc, c’est interdit. Ce qui pourrait advenir justement, c’est la réalisation de l’inceste. Donc comme il faut vivre dans l’inceste toujours, en le laissant en respect, il faut que la réalité interdise la réalisation des fantasmes (fantasmes dans le sens psychanalytique et pas dans le sens de jeu sexuel génital). Les fantasmes, on peut en avoir, mais ils ne peuvent pas commencer à se réaliser par la liberté que pourrait prendre un objet par rapport à un autre » (( DOLTO Françoise, Sexualité féminine, le libido génitale et son destin féminin, Paris, Gallimard, Coll. Essais, 1996, page 394 )). Sans doute n’est-ce pas un hasard si c’est l’arrivée de la sœur qui rend la chose impossible pour Brandon.
Steve Mac Queen a choisi délibérément de faire de son récit une vignette esthétique et morale, sans se préoccuper des antécédents de son héros ou de ses motivations inconscientes. C’est sans doute la force et la limite de son film. Il affirme : « Quand Brandon regarde la caméra, il regarde chacun d’entre nous de façon individuelle. » (( Interview de Steve Mac Queen dans le bonus du dvd édité par MK2 )), de cette façon, la plupart des spectateurs peuvent s’identifier au héros et regarder sans dommage des aventures sexuelles que la plupart ne s’autoriseraient pas dans la vie normale. Sans doute l’addiction sexuelle de Brandon va bien au-delà du « trouble » psychique qui l’étreint, et pour Steve Mac Queen, sujet britanique qui réalise un film américain, ce symptôme s’apparente plus à une sanction morale (une faute) ou religieuse (un péché) qu’a un désordre psychologique. Le choix du titre « Shame » (( La honte : Définition du Larousse : Sentiment d’abaissement, d’humiliation qui résulte d’une atteinte à l’honneur, à la dignité. Sentiment d’avoir commis une action indigne de soi…)) est à cet égard un peu trop manifeste, voir puritain. Pour quelle raison l’aboutissement de la quête effrénée de cet hétéro avéré qu’est Brando, le graal sexuel, l’acmé de sa jouissance et de sa déchéance correspond, au moment où il se fait faire une fellation par un homme dans l’arrière salle d’une boîte gay ?
Il y a sans doute un rapport entre sexualité et culpabilité, mais il nécessite un abord moins réducteur que celui de Steve Mac Queen.
(Sur un thème proche de « Shame », lire l’article sur « Le bel Antonio » de Bolognini sur cinepsy).

Documents :

Dans un entretien avec Françoise Dolto réalisé en 1982, Eugène Simion l’interroge la pornographie vue du côté de l’église :
– François Dolto : « De toute façon, la pornographie a toujours été en quelque sorte un truc de curé… c’est à dire de réfoulés de la génitalité. La pornographie, ce sont des plaisanteries touchant à l’anal et à l’oral, et qui ne font pas intervenir un troisième terme, vivant. Ca s’arrête au jeu infantile de la découverte de la génitalité. C’est le sexe en tant qu’objet partiel. C’est pour ça que ceux qui ont été obligés à une chasteté non par renoncement dû à leur évolution, mais par culpabilité, sont nécessairement voués à la pornographie. Il s’agit là d’un signe d’arrêt de l’évolution du plaisir aux rencontres corps à corps à des zones partielles, de fixations fétichistes, de plaisirs bornés ».
– Eugène Simion : « Et lorsque certaines avant-gardes se sont mises à la pornographie, en déclarant, pour la énième fois, que c’était là la révolution sexuelle… »
– François Dolto : « Une révolution dans la nursery peut-être, en brandissant la cuillère à bouillie… Ces histoires se passent justement entre des gens qui n’ont pas d’histoire, qui n’ont pas de langage, ni un champ relationnel enraciné dans le symbolique, et qui voudraient magnifier ou, faute de mieux, institutionnaliser leur souffrance, au lieu de prendre conscience qu’ils ont été mutilés en étant enfants, trompés sur leur droits au désir, leurrés quand à l’amour ».

Sur la même problématique, mais avec un abord différent, Christian Demoulin, dans un article de écrit en Aout 2001 sur le complexe de castration et intitulé « On ne naît pas homme, on le devient », s’interroge et conclut son article sur l’état de la sexualité à l’époque actuelle :

« Notre époque est celle du capitalisme triomphant. Lacan a proposé une écriture du discours capitaliste, variante du discours du maître caractérisée par une sorte d’emballement de la quête des « plus-de-jouir » offert dans la consommation. Il s’agit des objets susceptibles de tromper le désir en procurant un gain de jouissance. Cela va du gadget aux drogues. Dans le discours capitaliste il n’y a pas de limite à cette quête. Aussi Lacan évoque-t-il une forclusion de la castration.
Qu’en résulte-t-il au niveau de la sexualité ? Dans la mesure où un sujet est captif du discours capitaliste, il vit sa sexualité dans le registre de la compétition cynique-narcissique (Colette Soler, dans son cours inédit, parle de « narcynisme »). L’amour laisse place à la seule énamoration narcissique dont on connaît le caractère fugace, de sorte que le partenaire tend à se réduire à l’objet jetable après usage, simple instrument pour la jouissance. Sans doute, peut on parler de libération sexuelle mais on peut se demander si une telle activité sexuelle révèle encore du désir.
(…)
(Demoulin prend l’exemple d’une scène de sexe à plusieurs dans le roman de Houellebecq « Au milieu du monde »)
Dans l’érotisme, le partenaire est investi comme venant à la place de l’objet cause du désir, et non de l’objet commun de la consommation. La jouissance phallique est corrélée à l’objet (a) du désir, par exemple le regard de Béatrice pour Dante ou la voix de la Sirène pour Ulysse. Dans la pornographie, le désir est court-circuité ou tout au moins ramené à son plus bas niveau, ramenant la jouissance phallique à la seul jouissance d’organe. Il s’agit en définitive de masturbation réciproque, où le désir est écrasé et ravalé au simple besoin. Il semble que cette jouissance d’organe puisse faire l’économie de la castration. Ce que montre Houellebecq, c’est bien un monde mort où le désir est ramené au plus trivial de la consommation, sans état d’âme. (…) Ce qui résiste le mieux au discours du capitaliste, c’est l’exigence de l’amour. C’est par là que la psychanalyse fait pièce au capitalisme. Car qu’est-ce que la psychanalyse, sinon l’expérience d’un nouvel amour – le transfert prend peut être la place jadis occupée par l’amour courtois. La question est de savoir si, à la fin de la cure, l’analysant aboutit à la position cynique-narcissique ou s’il s’avère capable d’aimer et de créer, comme le voulait Freud. C’est sans doute ce que Lacan appelait sortir du discours capitaliste
 » (( DEMOULIN Christian, « On ne nait pas homme, on le devient », dans Le bulletin freudien, numéro 37/38 sur Masculin-Féminin, Aout 2001, Editeur Association freudienne de Belgique, distribué en France par l’ALI : http://www.freud-lacan.com/Parutions/Autres_revues/L_Oedipe_apres_Freud_et_d_apres_Lacan
L’article est disponible librement sur internet à l’adresse suivante :
(Si vous êtes intéressés, enregistrez ou imprimez les articles cités ci-dessous, car ils ne sont plus accessibles après une première lecture. Dans ce cas vous pouvez-y accéder à partir d’un autre ordinateur.) http://www.lacanw.be/archives/2007-2008actualite/OnNeNaitPasHomme(Ch.Demoulin).pdf )).

Sur le thème de la honte et de la culpabilité, lire l’article de Jean Paul Ricoeur intitulé : « honte et culpabilité » sur : http://www.groupe-regional-de-psychanalyse.org/petitebiblio/HONTE_ET_CULPABILITE.pdf

A propos de l’angoisse et de la culpabilité lire l’article de Philippe Collinet intitulé « Angoisse et culpabilité » sur : http://www.la-psychanalyse-encore.fr/La_psychanalyse_encore/TEXTES_files/angoisse-et-culpabilité.pdf

A propos du surmoi, l’article de Jean Jacques Gorog intitulé « Le surmoi freudien composite et la jouissance selon Lacan » sur : http://www.champlacanienfrance.net/IMG/pdf/gorog_M51.pdf

En cas de difficultés pour accéder à ces articles, faites votre recherche à partir de l’intitulé « Lacan culpabilité » sur google.

Lire l’article de Fabian fajnwaks: « Shame, l’un et le féminin »:  http://addicta.org/2014/11/14/shame-lun-et-le-feminin/