Monsieur Klein
Joseph Losey
Avec Alain Delon (Robert Klein), Jean Bouise, Juliette Berto, Jeanne Moreau, Michael Lonsdale, Francine Bergé, Suzanne Flon.
L'intrigue
En 1942, Robert Klein, jeune homme dilletante, amateur d’art et de femmes, achète à bas prix des œuvres d’art appartenant à des juifs. Il reçoit par erreur un journal juif destiné à un homonyme. Robert Klein se rend au siège du journal, puis à la préfecture de police pour obtenir qu’on cesse de le prendre pour un autre. N’y parvenant pas, il se rend au domicile de cet homonyme, enquête sur lui, s’entête et finit par répondre à une invitation qui lui est adressée sans jamais parvenir à le rencontrer. Il rend visite à son père à Strasbourg et se met en quête des documents qui prouvent qu’il n’est pas juif. Mais la recherche de ce double le fascine et l’obsède au point que, le jour de la rafle du « Vel-d’hiv » il s’identifie à lui et monte dans les wagons en partance pour la mort.
Photos et vidéos extraites du film
Que transmettre et comment?
Publié le par Pascal Laëthier
Losey est un cinéaste américain chassé de son pays par le maccarthisme et contraint de se réfugier en Angleterre. C’est la découverte de la nouvelle vague, Alain Resnais en particulier « Hiroshima mon amour » et « Muriel », mais aussi de Bergman et de Fellini « La dolce vita » et « 8 ½ » qui offre à Losey la possibilité de renouveler sa manière et d’entamer une nouvelle carrière. « Eva » (1962), « The servant » (1963) et « Accident » (1967) marquent un nouveau départ. Il obtient la reconnaissance en France en 1977, lorsque « Mr Klein » est récompensé par trois césars.
On a reproché à Losey d’avoir mis trop d’éléments personnels dans son film. On s’est posé aussi la question de sa légitimité. Est-ce à un Américain du Wisconsin de réaliser un film sur les juifs de France pendant l’occupation ? On lui a reproché des « erreurs » de dates : La rafle du « Vel d’hiv » a eu lieu en Juillet 1942 et pas en janvier 1942, ainsi que des contrevérités historiques, Strasbourg n’est pas en zone occupée, mais était redevenue Allemande.
Losey était communiste et Américain. C’est à l’initiative de Mankiewicz et parce qu’il était solidaire d’autres cinéastes et scénaristes, qu’il a menti et signé un serment de loyauté affirmant qu’il n’était pas communiste, ce qu’il a toujours regretté et considéré comme une manière indirecte de justifier la liste noire. Il pensait qu’il aurait suffi qu’une poignée de cinéastes revendique leurs idées pour empêcher la chasse aux sorcières1. En raison du maccarthysme, il a été contraint à l’exil en Italie, puis en Angleterre où il a travaillé sous une fausse identité. Il a dû réaliser des œuvres de commande apportant le meilleur de lui-même et n’a jamais cessé de tourner et de se battre pour faire simplement son travail. Il n’était pas juif, ni français, mais il était concerné profondément par la question de l’identité et de l’exil et du regard des autres sur la différence.
Losey était un homme de théâtre et un proche de Bertold Brecht. Il a été le premier à mettre en scène au théâtre son « Galilée » sur le sol américain. Comme Brecht, il était soucieux des effets de la mise en scène sur le spectateur. L’émotion n’est pas pour lui, le but ultime du spectacle. Losey se méfie de la fascination qu’exerce l’image et refuse la représentation de la violence. A propos de la scène du cabaret dans « Monsieur Klein », il affirme : Mon problème « était de présenter un spectacle antisémite qui ne serait pas pris pour argent comptant par les antisémites d’aujourd’hui ».2. Losey, habille un homme en veuve pour créer une étrangeté, il lui fait chanter un leader de Mahler et donne un aspect grotesque et mutique au personnage qui représente le Juif. « La laideur de l’antisémitisme avait pour effet que le pire antisémite ne voudrait pas s’identifier avec cela ». Losey filme la salle, détaille les visages et les regards des spectateurs qui observent la scène. Bref, il tient à distance les éléments de la représentation. Il ajoute, « C’est une scène clé du film, en ce qu’elle a des rapports avec la visite médicale de la juive au début et avec tout le processus de la bureaucratie qui s’enchaîne… ».
Au sujet de « Gipsy », un film réalisé en 1957, il affirme: « Le centre d’intérêt n’a pas beaucoup d’importance pour moi, ni la direction que l’on choisit du moment qu’on le fait passionnément. (…) Je pense que toute forme d’art, le cinéma ou une autre, qui se contente de reproduire la vie n’a aucune raison d’être, à moins d’être purement didactique… Et même alors, si l’auteur à quelque chose à transmettre, c’est peut-être une raison d’être. Mais ce qui est didactique (…) n’a aucune valeur »3.