Un homme d’exception
Ron Howard
Avec Russel Crowe (John Nash), Jennifer Connelly (sa femme), Ed Harris (Parcher)
L'intrigue
Au début de la guerre froide les Etats-Unis décident de regrouper leurs meilleurs étudiants à Princeton pour faire face à la menace communiste. Parmi eux, John Nash est un jeune mathématicien de talent, mégalomane et solitaire. Après avoir réalisé de brillants travaux de recherche en mathématiques, il est engagé par les services du contre-espionnage américain pour décoder des messages Russes. Peu après, Nash est abordé par un mystérieux Parcher et se voit confier une mission ultra-secrète qui concerne la sécurité de son pays. Sa vie bascule…
Photos et vidéos extraites du film
Le normal et le paranoïaque
Publié le par Pascal Laëthier
« Un homme d’exception » est un film de facture classique (voir conventionnel) qui parvient avec habileté à nous faire partager le délire d’un paranoïaque. Le film raconte des évènements et montre des personnages dont nous devons reconsidérer la réalité après une demi-heure de récit1.
Le film est inégal : La première partie décrit la vie à l’université, l’étrangeté de Nash, son rapport aux femmes, la rivalité avec ses collègues hommes, ainsi que le délire anti-communiste qui saisit l’Amérique de la fin des années 50. On ne connaîtra rien des origines de Nash, de sa famille, de sa vie intime ou de ses désirs. Son portrait se résume à l’exposition de son génie, la description de sa passion exclusive et mégalomaniaque pour les mathématiques et de son comportement social étrange. Dans la deuxième partie, la paranoïa se déclare. Son « dérèglement » est considéré d’un strict point de vue psychiatrique. Le scénario soutient sans l’affirmer, comme un sous-entendu dissimulé tout le long du film, que le mal dont souffre Nash est le prix à payer pour son génie. Dans la troisième partie du film, à la fois la plus conventionnelle et la plus émouvante, Nash apprend à domestiquer ses « visions » et surmonte son handicap grâce à l’amour de sa femme.
Document
Dans le séminaire sur les psychoses prononcé en 1955 et 1956, Lacan aborde un cas analysé par Freud, celui du « président Schreber », un homme de cinquante ans, notable, président du tribunal devenu brusquement fou. Dans la neuvième séance du premier février 1956, Lacan commente ainsi le rapport toujours étrange à la folie :
« Est-ce que vous n’avez pas peur de temps en temps de devenir fou ? Mais c’est que c’est tout à fait vrai ! C’est que pour tel ou tel des bons maîtres que nous avons connus, Dieu sait que c’est le sentiment qu’il pouvait avoir : Où cela les mènerait de les écouter, ces types qui vous débloquent toute la journée des choses d’un ordre aussi singulier, si l’on prenait tout cela au sérieux.
Nous n’avons pas, nous psychanalystes, une idée aussi sûre que celle que chacun a de son bon équilibre, pour ne pas comprendre le dernier ressort de tout cela, à savoir que le sujet normal c’est quelqu’un qui très essentiellement se met dans la position de ne pas prendre au sérieux la plus grande part de son discours intérieur.
Observez bien cela chez les sujets normaux, et par conséquent chez vous mêmes : le nombre de choses essentielles dont c’est vraiment votre occupation fondamentale que de n’en rien savoir. Ce n’est peut-être rien d’autre que ce qui fait la première différence entre vous et l’aliéné. C’est pourquoi pour beaucoup l’aliéné incarne… sans même qu’il se le dise… là où ça nous conduirait si nous commencions à prendre les choses au sérieux ».2
- Le film de Mulligan intitulé « L’autre » utilise un procédé narratif identique de manière encore plus radicale [↩]
- Version du séminaire Staferla disponible sur http://staferla.free.fr/ séminaire les psychoses, Page 270 de la version en pdf [↩]