The good girl
Miguel Arteta
Avec Jennifer Aniston (Justine Last), Jake Gyllenhaal (l’amant), John C. Reilly (le mari), Tim Blake Nelson (le copain du mari)
L'intrigue
Justine Last mène une vie morne et sans intérêt. Elle vit à côté d’un mari informe, stérile et laid, peintre en bâtiments qui passe son temps à fumer des joints avec son meilleur copain. Elle fait un travail débilitant dans le supermarché local. Elle croit trouver une solution à l’impasse de sa vie quand elle rencontre un grand adolescent immature qui lui propose de tout plaquer et de la suivre.
Photos et vidéos extraites du film
Un film de « rien du tout »
Publié le par Pascal Laëthier
« The good girl » raconte un désastre minuscule, celui d’une femme d’un milieu populaire qui tente de sortir de l’univers routinier et morne de son existence et qui échoue. Dès qu’elle quitte les rails de son quotidien, elle se fait peur, panique et retourne se réfugier dans le confort sordide et répétitif qu’elle a tenté de fuir.
On a comparé Justine Last à « Madame Bovary », c’est un peu fort… A moins de réduire le roman de Flaubert à son résumé sur Wikipédia. « Madame Bovary » c’est avant tout une langue, le style et l’écriture de Flaubert, alors que c’est l’absence de style et l’effacement de la mise en scène qui caractérise « The good girl ». Arteta, le metteur en scène, adopte ce style réaliste et narratif devenu la norme de presque toutes les productions télévisuelles de la planète. Il disparaît littéralement derrière la comédienne principale et c’est très précisément l’opposé de ce qu’on attend d’un metteur en scène.
Accepterait-on de se laisser embarquer dans l’histoire sordide et pitoyable de Justine Last si nous n’avions pas constamment sous les yeux le visage inoxydable et sympathique de l’héroïne de « Friends » ? Le film d’Areta n’a de sens, n’a été produit, n’est regardé et vendu que parce que l’actrice de la série « Friends » joue son propre rôle, celui d’une comédienne connue et populaire qui fait du cinéma. Contrairement à Solondz par exemple, qui pousse le réalisme de ses personnages jusqu’à l’outrance au-delà de la caricature et jusqu’au malaise et qui joue sur ce distord, le travail d’Arteta consiste à donner une consistance minimale et achétypale à des personnages sans intérêt dans le but unique de servir de faire valoir à son actrice principale.
Dès lors, que faire alors de Justine Last, le personnage incarné par Jennifer Aniston puisqu’elle n’est que le prétexte à la promotion de l’actrice ? Ce que s’apprête à en faire Arteta dans la dernière séquence du film, l’asseoir devant la télévision et lui faire regarder la série « Friends ».
On a pu penser un bref instant, que « The good girl » était un film indépendant américain qui traitait d’un sujet social et montrait l’extrême dénuement de la société américaine et la faillite de son système social. On aurait pu croire que son actrice principale s’était engagée dans un film ambitieux et social, comme ceux qu’ont initiés ou soutenus en leur temps les Fonda, Redfort ou autre Nicholson, mais on découvre que le film remplit la même fonction que les photos plus ou moins truquées publiées dans les magazines people ; « Jennifer Aniston à la plage », ou « Jenniffer Aniston en robe rouge à la sortie d’un restaurant » et dans le cas présent ; « Jennifer Aniston qui joue au cinéma le rôle de Justine Last ».
Mais revenons à Justine Last, la bien nommée, puisque c’est son histoire qui sert de prétexte au film. Au moment décisif de sa pitoyable aventure, elle est arrêtée au volant de sa voiture devant un feu rouge. Elle fait face à ce que le réalisateur cherche à faire passer pour la parabole de son destin. Si elle tourne à droite, elle rejoint son lieu de travail et la vie morne et stupide à laquelle elle tente d’échapper et si elle tourne à gauche, elle s’engage sur une route rectiligne qui s’enfonce dans le désert. Elle est sommée de choisir entre le supermarché et le désert.
Arteta illustre l’impasse dans laquelle s’enferment un bon nombre des patients qui nous sollicitent, celle d’un choix borné entre deux « riens du tout ». Notre travail est précisément de sortir de cette répétition pour inventer l’inimaginable.