La vie d’un honnête homme
Sacha Guitry
Avec Michel Simon (Albert, Alain Ménard-Lacoste), Marguerite Pierry (Madame Lacoste ) Louis de Funès, (Emile, le valet), Pauline Carton (La patronne de l’hôtel), Lana Marconi (Une prostituée)
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L'intrigue
Alain, se présente chez Albert, son frère jumeau, pour obtenir de l’aide. Alain est un aventurier vagabond, sans le sou et jovial, tandis qu’Albert est un riche industriel, père de famille, acariâtre, imbu de lui-même et malheureux. La confrontation entre les des deux frères ne les laisse pas indemnes.
Photos et vidéos extraites du film
La « frérocité »
Publié le par Pascal Laëthier
Le cinéma de Guitry ne laisse personne indifférent. Le public l’adorait et les intellectuels le détestaient. On lui a reproché de faire du « théâtre filmé », d’être mégalo, prétentieux, misogyne, d’être « de droite ». Guitry prétendait que la haine que lui vouaient les critiques venait de ce qu’il avait eut beaucoup de succès, très vite, très tôt et tout au long de sa carrière. Guitry est un homme hors du commun qui impose son style, son verbe et sa présence au cinéma. Il ne s’adapte pas au cinéma, c’est le cinéma qui s’adapte à lui.
« La vie d’un honnête homme » est un film de sa deuxième période, celle qui suit l’occupation et ses démêlés avec la justice. Guitry prétend n’avoir rien fait pendant la guerre et c’est précisément ce que beaucoup lui ont reproché.1. « A la libération il sera accusé de « collaboration avec l’ennemi. Il s’en défendra, écrira deux livres à ce sujet et demeurera suspect aux yeux de beaucoup malgré l’évidence de son innocence. Il sortira de cette aventure avec écoeurement et déception estimant que sa déchéance était la victoire des médiocres »2.
Dans l’après-guerre, Guitry retrouve sa place au cinéma et réalise quelques uns de ses meilleurs films: « Le comédien » (1948) et « Le diable boîteux » (1948), « La Poison » (1951), mais il est sorti blessé de l’épisode de la Libération. Lui dont le style était synonyme de légèreté, d’insouciance et frivolité devient amère et sombre. « Il affiche son pessimisme grave et rejoint les désignations implacables de son ami Octave Mirbeau, lui aussi témoin furieux de la disparition d’un monde où la conscience dictait les comportements »3. En 1953 il tourne « La vie d’un honnête homme » avec Michel Simon qui joue les deux rôles de frères jumeaux, une oeuvre amorale et subversive qui témoigne de son mépris pour tout humanisme. Le film s’ouvre par une des scènes les plus magistrales du cinéma français des années cinquante, un échange brillant, fielleux et dévastateur entre deux hommes que tout sépare et qui « après tout » sont frères et jumeaux. A travers le duel entre Albert et Alain Ménard-Lacoste, Guitry parle de lui. « Ces deux jumeaux (..) sont ces doubles qu’il a réussi à ne pas être : l’aventurier victime de ses rêves et l’homme d’affaires bourreau de lui-même autant que des autres »4.
Truffaut a très tôt admiré Guitry et n’a jamais caché son respect pour cet aîné. Dans la préface du recueil de textes de Guitry intitulé « le cinéma et moi » et publié en 1977, ( vingt ans après sa mort), il dénonce le « puritanisme rive gauche » qui s’exprime « sous la forme d’un humanisme larmoyant » et qui « a réussi à noyauter l‘ensemble du corps enseignant ». Il écrit : « Ils ont le culot de prétendre décider eux-mêmes et dans l’immédiat de ce qui est « culturel » et de ce qui ne l’est pas. Ce sont eux qui ont inventé l’opposition ignoble entre les « œuvres de réflexion » et les « œuvres de divertissement », comme si les trois cent romans de Simenon, les cinq cents chanson de Charles Trenet, les pièces et les films de Sacha Guitry n’étaient pas là justement pour prouver que les œuvres réellement divertissantes donnent matière à réflexion »5
- Guitry était pétainiste et contre Laval. Il a tourné quatre films et ses pièces ont été jouées sans discontinuer pendant l’occupation. Il a serré la main de Goebels. Il dira des occupants : « Puisqu‘on ne peut pas les foutre dehors, essayons de les foutre dedans ». Il a rédigé un ouvrage à la gloire de la culture française intitulé « de Jeanne d’Arc à Philippe Pétain ». Simsolo écrit : « Même si l’ouvrage contenait le « J’accuse » de Zola et citait respectueusement des juifs (Porto-Riche, Bergson, Sarah Bernard, Pissaro, Rachel, Marcel Swob) il ne pouvait que paraître comme la caution du régime ». Pages 101 et 102 du Sacha Guitry de Simsolo [↩]
- SIMSOLO Noël, Sacha Guitry, Paris, Cahiers du cinéma, Coll. Auteurs, 1988, page 85 [↩]
- SIMSOLO Noël, Sacha Guitry, Paris, Cahiers du cinéma, Coll. Auteurs, 1988, page 149 [↩]
- ( SIMSOLO Noël, Sacha Guitry, Paris, Cahiers du cinéma, Coll. Auteurs, 1988, pages 148 et 149 [↩]
- GUITRY Sacha, Le cinéma et moi, « Préface de François Truffaut », Paris, Ramsay, Coll. Ramsay poche cinéma, 1977, pages 19 et 20 [↩]