Alien, le huitième passager

Ridley Scott

Avec Sigourney Weaver (Ellen), Tom Skerrit (Le capitaine), Veronika Cartwright (Lambert), Harry Dean Stanton (Le technicien), John Hurt (L’officier en second), Ian Holm (Ash, l’officier scientifique), Yaphet Kotto (Le chef technicien)

Couleurs - 1978 - DVD

L'intrigue

Un vaisseau chargé de minerai qui voyage dans l’espace en direction de la terre est dérouté vers une planète isolée après avoir entendu un signal. L’équipage débarque et découvre des traces de vie extra-terrestre.

  • Ian Holm (Ash, l’officier scientifique)

    Ian Holm (Ash, l’officier scientifique)

  • Ian Holm (L’officier en second) en gestation

    Ian Holm (L’officier en second) en gestation

  • Sigourney Weaver (Ellen)

    Sigourney Weaver (Ellen)

  • Alien

    Alien (à la naissance)

  • Alien

    Alien adulte

  • Harry Dean Stanton (Le technicien)

    Harry Dean Stanton (Le technicien)

  • Yaphet Kotto (Le chef technicien)

    Yaphet Kotto (Le chef technicien)

  • Tom Skerrit (Le capitaine)

    Tom Skerrit (Le capitaine)

  • Ian Holm (Ash, l’officier scientifique)

    Ian Holm (Ash, l’officier scientifique)

  • Yaphet Kotto (Le chef technicien)

    Yaphet Kotto (Le chef technicien)

  • Sigourney Weaver (Ellen)
  • Giger

    Giger

  • O Bannon et Giger

    O'Bannon et Giger

  • Giger

    Giger

  • Ridley Scott

    Ridley Scott

  • Dessin Alien

    Dessin Alien

  • Affiche Alien

    Affiche Alien

  • Ian Holm (Ash, l’officier scientifique)
  • Ian Holm (L’officier en second) en gestation
  • Sigourney Weaver (Ellen)
  • Alien
  • Alien
  • Harry Dean Stanton (Le technicien)
  • Yaphet Kotto (Le chef technicien)
  • Tom Skerrit (Le capitaine)
  • Ian Holm (Ash, l’officier scientifique)
  • Yaphet Kotto (Le chef technicien)
  • Sigourney Weaver (Ellen)
  • Giger
  • O Bannon et Giger
  • Giger
  • Ridley Scott
  • Dessin Alien
  • Affiche Alien

L'obsolescence de l'homme

Si le public apprécie les films de Ridley Scott, les critiques sont moins enthousiastes et la plupart d’entre eux ont considéré ses premières oeuvres comme des films de séries B auxquels on aurait donné un budget conséquent. ((Pour Vincent Gabby du New York Times, Alien est « un petit film plutôt décent, mais encadré par une production matérielle extrêmement coûteuse ». James Monaco de Sight & Sound estime que le film « manque de portée intellectuelle ». La critique française n’est pas en reste, Lourcelles écrit dans son « Dictionnaire du cinéma », « Sans originalité particulière dans son scénario ».)). Le talent de Scott n’est pas dénié, mais on s’interroge sur ce qui l’anime et on soupçonne ses films, brillants et démonstratifs, de manquer de profondeur. Ridley Scott est Anglais, il vient de la publicité et pas du cinéma, il fait des films pour le box-office et ne passe pas pour un défenseur du cinéma d’auteur, son style efficace et réaliste n’est pas maniéré, ce qui sans doute n’a pas aidé les critiques à se repérer.
Ses trois premiers films, ceux des années soixante-dix et du début des années quatre-vingt mettent en scène les effets du changement ou plutôt les effets de la mutation d’un système ou d’une structure dans le temps. 
Les années 80/90 ont cru vivre le changement sans s’apercevoir que la vision du monde de cette période faisait suite à la parenthèse des années 60/70 avec la crise pétrolière, le chômage et la vague libéral en plus. L’esprit et l’ambiance ne sont plus les mêmes, mais rien n’avait fondamentalement changé. Ce n’est qu’avec les années 2000 et 2010, la mondialisation, la massification de l’information et l’apparition de nouveaux objets (ordinateur, smartphone, internet, etc.) que l’on a suspecté une mutation sérieuse (on parlait de changement de paradigme) et ce n’est que très récemment avec les crises financières, la multiplication des conflits mondiaux, le terrorisme aux USA et en Europe, la catastrophe écologique et l’épidémie récente annoncée que les effets de la mutation sont devenus réelles et perceptibles. Peut-être n’est-il pas inutile de revoir les films de celui qui avant les autres montrait dans ces films des changements en cours. 
Dans Les Duellistes (1977), écrit à partir d’une nouvelle de Conrad, Ridley Scott raconte comment en France, au début du 19e, survivent et se dégradent les valeurs d’honneur et de fidélité de la noblesse qui n’ont plus court que dans l’armée napoléonienne, alors que partout ailleurs elles sont recouvertes par les valeurs libérales de la bourgeoisie. ((L’un des duellistes, héros du film, devenu général d’Empire à l’époque de Louis XVIII, épouse une jeune noble (noblesse de robe). Le père de cette femme à la passion des bottes et exerce à temps perdu le métier de bottier. Il se plaint de la difficulté à trouver des clients.)). Blade Runner (1982) raconte l’aventure d’un groupe de « réplicants », des robots semblables aux hommes et programmés pour disparaître. Ils souhaitent allonger leur durée de vie et se révoltent. Ils créent du désordre et le policier chargé de les combattre découvre des êtres qui ne sont pas humains, mais éprouvent des sentiments, sont capables d’aimer et ont des symptômes. ((Roy Batty, le chef des « répliquants », découvre que la mort est non seulement inévitable, mais qu’elle est une des conditions de la vie. A la fin du film, il fait littéralement l’expérience d’un au-delà du principe de plaisir.))
Ridley Scott s’intéresse à ce qui préoccupe Lévi-Strauss dans l’étude des mythes, « les mythes sautent sans cesse d’une chaîne à une autre, dit Lévi-Strauss, comme un dérailleur de bicyclette » ((Patrice Maniglier, La philosophie qui se fait, Edition du Cerf, 2019, p 193.)). Les changements ne sont pas « le résultat d’une défaillance du système« , précise Patrice Maniglier, ils sont « la conséquence du type de systématicité » du système même. La modification, le changement ne sont pas le résultat ou le produit de la structure, ils sont la structure en mutation et en variance dont les éléments qui le constituent changent de place, apparaissent et disparaissent en fonction des possibles que le système organise et produit. Est-ce pour autant que toute action ayant comme but de modifier le système se révèle inutile ? Pas du tout, mais ceux qui souhaitent engager ces actions doivent prendre en compte la logique du système sous peine d’ignorer les causes réelles des changements et de prendre leurs fantasmes pour des lanternes.
Alien (1979) est le film de Ridley Scott le plus connu et celui dont l’histoire est la plus mouvementée. La Twentieth Century Fox a pris une option sur un début de scénario qui mélange l’horreur et la science-fiction écrit par O’Bannon. Le studio cherche un réalisateur et après plusieurs refus, retient Ridley Scott. Scott voulait éviter les monstres ridicules façon costume en caoutchouc ((Roger Luckhurst, Alien, Col. BFI, Les classiques du cinéma, Edition Akiléos, 2016, p 26)), et O’Bannon fait en gager Hans Rudi Giger, un artiste Suisse connu pour son graphisme « biomécanique », qui conçoit le personnage principal du film : Alien, le monstre.
Un groupe de travailleurs qui revient du fond de la galaxie dans un vaisseau chargé de minerai, est réveillé de son sommeil artificiel par « le système » (qui s’appelle « Maman »). Le système a détecté une anomalie. Après une halte sur une planète inhospitalière, l’équipage fait face à un être redoutable (Alien) embarqué à son insu dans le vaisseau et qui, à l’image du virus de la récente épidémie, colonise et se reproduit par le biais du corps des humains et menace d’envahir la terre. La lutte s’organise, menée par Ash, le scientifique de l’équipage, mais sans succès jusqu’à ce qu’on découvre que Ash est un androïde (une machine à forme humaine) au service de « Maman » et que la prise de contact avec Alien est le véritable but du voyage décidé par le système. Il s’agit de débarrasser la terre des humains pour créer une humanité augmentée ou une trans-humanité qui en terminerait avec les péchés et les boîteries des hommes.
Qui est Alien ? Ou plutôt qu’est-ce qu’Alien ? Alien ne demande rien et ne cherche pas le contact, il vit à l’écart de notre monde et émet des signaux, qui après avoir été pris pour des SOS sont traduit comme une mise en garde. Ce sont les humains curieux et avides qui vont à sa recherche et réveille le monstre qui sommeille. Alien n’existe pas, c’est un être imaginaire comme la licorne, mais on peut risquer que c’est leur propre image qu’Alien renvoie aux humains. Celle d’un être agressif, menaçant, insaisissable, avec qui tout face à face est mortel et qui prend possession de son environnement et domine les autres créatures avec cupidité et dans la violence ((Magellan après son tour du monde débarque sur une plage des Philippines avec son armure et des armes à feux pour effrayer les « sauvages » qui prennent les Blancs pour des dieux, il essuie un nuage de flèches auquel il fait face avec son armure, jusqu’à ce que les « sauvages » remarque que rien ne protège ses jambes. Il sera abattu et son corps disparaîtra dans la jungle. Riddley Scott mettra en scène une image proche dans son film « 1492 » (1992), celle d’un conquistador espagnol sur son cheval qui terrorise et suscite l’admiration des indigènes qui croient voir apparaître un être divin.)).
Ridley Scott poursuivra une carrière brillante au cinéma et élargira sa palette avec des films de genres très différents dont Thelma et Louise (1991) et reviendra à plusieurs reprises à son thème de prédilection ; dans 1492 (1992) il raconte l’aventure de Christophe Colomb et sa confrontation violente et tragique aux peuples premiers du San Salvador. Le film, éreinté par la critique, est un succès au box-office. Ridley Scott s’en sort mieux que Rolland Joffé dans Mission (1986) et surtout que Steven Spielberg dans Amistad (1997) ((Le film de Joffé centré sur le projet humaniste des jésuites en Amérique du Sud ne traite pas de la conquête du continent Sud-Américain par les Espagnols et les Portugais et Speilberg redonne humanité et fierté à des esclaves africains qui diffèrent peu des colons contre lesquels ils sont en lutte.)). Par la suite Scott mettra en scène le moment charnière de la fin de la conquête et de l’expansion romaine aux confins de l’empire au contact avec les Barbares dans Gladiator (2000). Le film remporte un succès colossal offre un contraste saisissant avec celui d’Antony Mann dont il reprend le scénario : La chute de l’empire romain (1964) qui restera dans l’histoire comme un des échecs les plus retentissants du cinéma américain : un film crépusculaire et remarquable ((Gladiator a coûté cent millions de dollars et a rapporté quatre cent cinquante millions de dollars. La chute de l’empire romain a coûté vingt millions de dollars et a rapporté un million neuf cent mille dollars (aux USA) : dix fois moins que ce qu’il a coûté.)).