Clean, Shaven
Lodge Kerrigan
Avec Peter Green (Peter Winter), Jennifer Mac Donald (sa femme), Roget Joly (le policier)
L'intrigue
Peter erre dans sa voiture, en proie à des hallucinations. « Il est persuadé d’avoir un émetteur dans le doigt et un récepteur dans la tête lui faisant entendre des voix ».1 Il a été déchu de sa paternité et recherche sa fille. Sa mère l’accueille fraîchement tandis que parallèlement, un policier enquête sur le meurtre d’une petite fille, commis par un psychopathe.
- Extraits commentés par le réalisateur dans le bonus du dvd [↩]
Photos et vidéos extraites du film
Qui parle dans la psychose ?
Publié le par Pascal Laëthier
« J’ai tourné Clean Shaven avec 60 000 dollars sur trois ans car j’avais des fonds vraiment limités ». (( Extraits commentés par le réalisateur dans le bonus du dvd, éditeur, Ciné Malta, Coll. Culte et underground. )) Les moyens de Kerrigan sont modestes, mais ses ambitions sont à la mesure de sa pugnacité. Il n’est pas psy et ne fait pas une analyse clinique, mais du cinéma avec la volonté de ne pas s’en tenir aux clichés et d’aller au-delà des représentations habituelles. Kerrigan a fait des études de philosophie et il s’est longuement documenté sur la schizophrénie auprès de spécialistes. Il a le désir de nous faire éprouver les sensations de la psychose : « Je souhaitais que le public puisse vivre les symptômes de la schizophrénie. Les hallucinations en sont les effets principaux. Elles prennent différentes formes. On peut entendre des voix (…), mais aussi on devient incapable de filtrer les sons, de donner un ordre de priorité aux bruits qui nous entourent ».1
Les représentations de la « folie » constituent un inépuisable réservoir pour cinéma américain. Lodge Kerrigan ne déroge pas à cette tradition et se situe dans la suite de ses illustres prédécesseurs (Laughton, Huston, Kazan, Kubrick, Cassavetes…) Il entreprend de montrer folie en conduisant deux récits en parallèles, celui de l’errance d’un schizophrène à la recherche de sa fille et de sa mère et celui d’un policier sur les traces d’un psychopathe invisible et introuvable, meurtrier d’enfants, avec comme clef possible du dénouement de l’intrigue, la possibilité que les deux ne fassent qu’un. Alors que, précise Keriggan, statistiquement les schizophrènes sont moins dangereux que le reste de la population.
Ce que réussit parfaitement Kerrigan, c’est à donner en spectacle la sensation d’une perception du monde dans la psychose. Il s’agit d’une réalité dans laquelle la perception fait effraction et envahit le présent de façon chaotique, erratique, sans repérage possible avec le passé. Les souvenirs, les images, les sons, les pensées se mélangent et viennent s’encastrer dans le présent sans symbolisation, d’où une impossible continuité du temps et de l’espace.
Lire la critique des inrocks.
Documents
A propos du jour et de la nuit et des signifiants.
Les psychoses, le Séminaire Livre III, LACAN Jacques, Extrait du chapitre 10 intitulé : « Du rejet d’un signifiant primordial », page 169.
« Il suffit d’évoquer la prévalence dans la vie humaine des premiers mois, d’un rythme du sommeil, pour que nous ayons toutes les raisons de penser que ce n’est pas une appréhension empirique qui fait qu’à un moment (…) l’être humain se détache du jour. L’être humain n’est pas comme tout laisse à penser que l’est l’animal, simplement immergé dans un phénomène comme celui de l’alternance du jour et de la nuit. L’être humain pose le jour comme tel, et par là, le jour vient à la présence du jour, sur un fond qui n’est pas un fond de nuit concrète, mais l’absence possible du jour (…) Le jour et la nuit sont très tôt codes signifiants et non pas des expériences. Ils sont des connotations et le jour empirique et concret n’y vient que comme corrélatif imaginaire, à l’origine, très tôt. (…) Il y a une nécessité structurale à poser une étape primitive où apparaissent dans le monde des signifiants comme tels ».
- Extraits commentés par le réalisateur dans le bonus du dvd. Ciné Malta, coll : Culte et underground [↩]