L’art de la fugue
Brice Cauvin
Avec Laurent Lafitte (Antoine), Agnès Jaoui (Ariel), Benjamin Biolay (Garard), Nicolas Bedos (Louis), Marie-Christine Barrault (La mère d’Antoine), Guy Marchand (Le père d’Antoine)
L'intrigue
Trois frères d’une même famille aiment et souffrent d’amour.
Photos et vidéos extraites du film
Une comédie enchantée sur le désir
Publié le par Pascal Laëthier
Une comédie élégante et pleine de charme
Après, « de particulier à particulier », film brillant et singulier sur l’entrée dans la psychose, Brice Cauvin réalise son deuxième film, une comédie sur le quotidien, la versatilité du désir, la fragilité des liens amoureux et la marque du temps qui passe. Autant de thèmes impossibles et risqués, autant de paris tenus, le talent de Cauvin opère. Cauvin et Raphaëlle Desplechin, les deux scénaristes, n’appuient jamais leurs effets, recourent à l’ellipse dès qu’une situation est installée et imaginent des dialogues toujours du coté du trait d’esprit, plutôt que du bon mot. Bref, ils enchantent la réalité, évitent la pesanteur du sens et fuient la psychologie. La spontanéité, le charme, la poésie et la légèreté caractérisent ce film et Cauvin réussit brillamment là où tant de films cherchent à dire et à démontrer.
Le quotidien transcendé
Avec des moyens d’une étonnante simplicité l’œuvre de Brice Cauvin s’inscrit dans la suite de celle de Jacques Demy, comme lui il filme la vie qui s’invente dans l’apparente simplicité du quotidien, il observe le désir qui naît immédiatement troublé par la perception de son impossible durée. La sensation éprouvée du temps qui passe voile le bonheur éphémère de l’instant vécu, le sourire se fige et le présent déjà devient souvenir et nostalgie, la joie aussitôt s’estompe et la vie s’en va… Certains instants de « l’art de la fugue » font songer à la manière de Léo Mac Carrey1, génie méconnu du cinéma américain dont Jacques Lourcelles louait ainsi le talent: « S’il y avait un point à signaler avant tous les autres concernant cette œuvre, ce serait son absence d’ambiguïté, sa clarté presque provoquante, qui fait qu’on l’aime ou qu’on la déteste, mais qui rend impossible qu’on s’attache à elle par méprise ou en feignant d’ignorer les mobiles profonds qui l’animent. Ceci suffit à déterminer une originalité flagrante de cet auteur. »2, propos qui caractérisent parfaitement les films de Cauvin. La presse a écrit sur « L’art de la fugue », mais les critiques ont manqué d’enthousiasme. Impossible d’en vouloir à ceux qui n’apprécient pas Cauvin, comme à ceux qui trouvent Demy mièvre ou Mac Carey futile. Gageons que Cauvin n’en prendra pas ombrage et qu’il saura trouver les moyens de poursuivre une œuvre profondément originale et singulière et qu’il nous invitera de nouveau dans son monde poétique et enchanté.