Martha Marcy May Marlene

Sean Durkin

Avec Elisabeth Olsen (Martha), John Hawkes (Patrick), Sarah Paulson (Lucy, la sœur), Hugh Dancy (Ted, le mari de la sœur)

Couleurs - 2011 - DVD

Où trouver ce film ?

http://www.priceminister.com/offer/buy/159472105/martha-marcy-may-marlene-de-sean-durkin.html

L'intrigue

Fragilisée après le décès de sa mère, Martha a été approchée et recrutée par les membres d’une communauté qui vit en retrait du monde. Elle est adoptée par cette nouvelle famille et devient la préférée de Patrick, le « maître », « le guide » qui règne d’une main de fer sur le groupe. La secte vit de rapines et de vols dans les maisons alentours. Après un cambriolage qui tourne mal, Martha s’enfuit et se réfugie chez sa sœur. Poursuivie par son passé et ses souvenirs, elle ne parvient pas à reprendre pied et bascule dans la folie.

  • Sarah Paulson (Lucy, la sœur) et Elisabeth Olsen (Martha)

  • Elisabeth Olsen (Martha)

  • Elisabeth Olsen (Martha)

  • Elisabeth Olsen (Martha)

  • Elisabeth Olsen (Martha) et Sarah Paulson (Lucy, la sœur)

  • Elisabeth Olsen (Martha)

  • John Hawkes (Patrick)

  • Le repas en communauté

  • John Hawkes (Patrick) et Elisabeth Olsen (Martha)

  • Elisabeth Olsen (Martha)

  • Elisabeth Olsen (Martha)

  • Dessin de Martha et Patrick

  • Martha : dvd

  • Martha : Affiche

  • Elisabeth Olsen (Martha) et Sean Durkin (le réalisateur)

  • Sean Durkin

  • Sean Durkin

  • Sean Durkin

La psychose qui gagne

Aujourd’hui, Martha s’est enfuie dans la forêt, elle a couru, elle s’est cachée et elle est parvenue à téléphoner à Lucy, sa sœur, qui est venue la chercher en voiture et elles ont regagné la maison que celle-ci habite avec son mari. C’est ainsi que le film commence… On n’en verra un peu plus, mais Martha n’en dira jamais rien. Il s’est passé des choses dans la vie de Martha, mais elle ne peut pas en parler. Elle est dans l’attente de quelque chose et tout le reste n’est pas sûr. Elle ne sait pas où elle est, elle ne mesure pas le temps qui s’est écoulé (deux ans d’absence) et elle hésite sur le statut de ceux qui l’entourent (ami, ennemi, hallucination…). Elle flotte dans un espace et un temps incertain. Le film « Martha » avec ses cadres précis et stylisés, ses plans à la longues focales dans leur longueur, rend compte de cette incertitude et joue sur le mélange du présent, des souvenirs, des hallucinations et des craintes de la jeune femme.
Quand Martha confie à Lucy : « Tu as déjà eu l’impression de ne pas savoir si quelque chose était un souvenir ou un rêve », on ne peut que constater qu’elle est déjà loin… Très loin. Martha est jolie, douce, sympathique, mais elle n’est déjà plus dans le même monde que celui de sa sœur, qui est mal préparée pour l’accueillir et ne comprend pas grand chose à ce qui se joue. Sean Durkin, avec finesse et pudeur, sans avoir recours à la psychopathie comme ressort de la fiction ( Comme dans « Répulsion » ou « Clean Shaven » ) ou au spectaculaire ( comme dans « Black Swan » ou « Equus » ), fait le constat du basculement dans la psychose. « Nous aurions pu faire ce film comme si le spectateur était constamment derrière l’épaule de Martha, mais je ne voulais pas raconter cette histoire uniquement selon son point de vue. Je voulais aussi avoir le regard de Lucy et Ted, les utiliser pour suivre l’évolution de Martha et avoir ces moments à la ferme où nous pouvons découvrir ce qu’elle a vécu. Cette décision a défini le langage qui m’a permis de faire ce film ». (( Interview de Sean Durkin dans le dossier de presse du film. » )) « Martha Marcy » n’est pas le récit d’une effraction ou d’un effondrement, plutôt celui d’un décrochage irrémédiable, d’un lent naufrage, de ce moment de glissement vers une autre perception du monde où les sensations, les souvenirs, les fantasmes et les perceptions affleurent à la conscience sans distinctions.
Cette représentation de la folie d’une grande rigueur formelle, n’emprunte pas aux registres habituels et se refuse à tout postulat théorique, révèle une remarquable finesse d’observation.
Le dvd du film dans sa version française propose un court-métrage remarquable, intitulé « Mary last seen », qui a servi à la préparation du long-métrage de Sean Durkin.

Document
Martha fragilisée par les hasards de la vie, trouve refuge dans une communauté à l’écart du monde où d’autres valeurs, prétendument plus plus authentiques, plus naturelles et plus essentielles, sont promues. Elle tombe sous l’influence de Patrick, son « maître » et son « guide » qui exerce un pouvoir tout puissant sur elle et les autres membres de la secte. Patrick débaptise les adeptes de la communauté et leur choisit un prénom à son gré. Le monde dans lequel Martha a trouvé refuge la satisfait jusqu’à ce qu’elle assiste à un meurtre qui provoque un effet de sidération. Sean Durkin, l’auteur du film et des dialogues du film rend parfaitement compte de la nature et du contenu des propos de Patrick qui tente de raisonner Martha et de la maintenir soudée à la communauté :
Patrick: “Tu sais, la mort, c’est le meilleur moment de la vie. La mort est belle parce qu’on en a tous peur. La peur est la plus sublime des émotions parce qu’elle éveille totalement la conscience. Elle nous ancre dans le présent. On se sent vraiment présent, et quand on est vraiment présent, c’est le nirvana… Le pur amour. Donc la mort est le pur amour ».
Les propos de Patrick sont ceux d’un authentique paranoïaque, du type de ceux que Lacan a analysé avec l’étude du livre de Schreber. Pour Lacan, la faillite du rapport à la réalité qui se manifeste, entre autre, par des phénomènes hallucinatoires, le délire des grandeurs et de persécutions, n’est pas un critère suffisant pour repérer structuralement ce qui est en jeu dans la paranoïa. Lacan s’en réfère à l’analyse caractéristique du discours (c’est à dire des propos) du paranoïaque : « Dans le langage délirant, les mots ont ceci toujours de spécial, qu’ils ne s’épuisent jamais dans le renvoi à une autre signification. Leur signification a pour propriété de renvoyer essentiellement à « La signification ». C’est une signification qui ne renvoie à rien d’autre qu’à elle-même, il reste toujours quelque chose d’irréductible. (…) Le mot fait poids en lui-même. Il signifie quelque chose d’ineffable, il est signification qui renvoie avant tout à la signification en tant que telle. » (( LACAN Jacques, Les psychoses, Version Staferla, pages 69 et 70, disponible sur internet. http://staferla.free.fr, L’extrait cité a été condensé ou lire dans la version JAM : LACAN Jacques, Les psychoses, Paris, Seuil, Coll. Le champ freudien, 1981, page 43 )). Dans les propos délirants de Patrick, les mots sont « l’âme de la situation » et renvoient à cette « autre forme que prend la signification quand elle ne renvoie plus à rien, qui est le vide complet, la formule qui se répète, qui se réitère, se serine, à l’opposé du mot et que nous appelons, la ritournelle. Ces deux formes, la plus pleine et la plus vide, arrêtent la signification. C’est une sorte de plomb dans le filet, dans le réseau du discours du sujet. C’est à cette caractéristique structurale que nous reconnaissons la signature du délire ”. ((LACAN Jacques, Les psychoses, Version Staferla, pages 69 et 70, disponible sur internet. http://staferla.free.fr, L’extrait cité a été condensé ou dans le version JAM : LACAN Jacques, Les psychoses, Paris, Seuil, Coll. Le champ freudien, 1981, pages 43 et 44 ))