Maestro

Léa Fazer

Avec Henri Renaud (Pïo Marmaï), Michael Lonsdale (Eric Rovère), Déborah François (Gloria), Nicolas Bridet (Nico, le meilleur ami d’Henri), Alice Belaïdi (Pauline, l‘amie d’Henri, amoureuse de Gloria)

Couleurs - 2014 - DVD

L'intrigue

Deux jeunes comédiens débutants et peu intellos sont engagés par Cédric Rovère (Eric Rohmer), un auteur qui réalise un film fauché et adapte une infime partie de l’Astrée, un roman pastoral du 17eme qui raconte les aventures d’un jeune berger forézien, Céladon, qui tombe amoureux d’Astrée, dans la Gaule du cinquième siècle. Le malentendu semble total entre ces jeunes amateurs de blockbusters américains et le vieil intellectuel parisien fatigué, mais tenace. Pourtant, la rencontre a lieu.

  • Henri Renaud (Pïo Marmaï) et Déborah François (Gloria)

  • Une scène du film de Rovère

  • Henri Renaud (Pïo Marmaï) et Michael Lonsdale (Eric Rovère)

  • Henri Renaud (Pïo Marmaï) et Alice Belaïdi (Pauline, l‘amie d’Henri, amoureuse de Gloria)

  • Lea Fazer

  • L'affiche du film

Paris sur Lignon

Est-ce parce qu’elle est originaire de Suisse que Léa Faser réussit là où tant de réalisateurs français échouent ? Léa Faser travaille à Paris, mais elle est de nationalité suisse, elle se situe en quelque sorte, « à la périphérie » du sujet de son film. C’est sans doute pour cette raison qu’elle parvient à trouver la bonne distance pour aborder avec humour et une remarquable finesse cette réjouissante critique d’un certain cinéma d’auteur à la française. On se souvient qu’un autre Suisse, Alain Tanner, avait réussi à faire à chaud depuis Genève, le portrait le plus réussi de l’esprit de soixante-huit avec son film La salamandre (1971).
Le sujet est délicat et hautement polémique. Le cinéma d’auteur à la française et la Nouvelle Vague, dont Rohmer est un des principaux représentants, constitue l’un des mythes actuels du cinéma de notre pays et on ne touche pas impunément à un mythe, même si c’est pour rendre un hommage respectueux à l’un de ses héros sous une forme parodique. La presse ne s’y est pas trompée puisque les jeunes critiques des revues historiques du cinéma n’ont pas apprécié le film.
La parodie est un genre difficile, tout y est affaire d’impertinence et d’esprit, mais aussi et surtout de dosage et de finesse. D’autres s’y sont essayés en leur temps avec un certain talent et n’ont pas obtenu la reconnaissance attendue : Trois font la paire (1957) de Sacha Guitry, dans lequel Darry Cowl imite les méthodes des réalisateurs de la jeune génération est considéré comme le dernier film d’un Guitry fatigué et Maxime (1958) de Henri Verneuil écrit par Henri Jeanson et Albert Valentin, dans lequel un vieux serviteur élégant, lettré et désargenté est humilié et brisé par un jeune bourgeois vulgaire, inculte et avide de séduire n’a pas été vu comme une critique de la jeune génération de cinéastes et été boudé par la critique.
D’après Alain Rioux, ce qui différencie les films de la Nouvelle Vague de ceux de leurs ainé (Duvivier, Grangier, Delannoy, Autant-Lara, etc.) c’est l’image qui est donnée des jeunes. (Lire l’article sur Le sang à la tête de Gilles Grangier sur cinepsy). Léa Fazer joue sur le paradoxe inverse, et construit son film autour de la rencontre inattendue entre un jeune acteur sympathique et ambitieux avec un vieux cinéaste lettré et passionné de littérature. Le film de Faser est aussi un film sur l’initiation, transmission, l’amour de la langue et le gout des mots. Son film est drôle, parfois cruel, mais infiniment respectueux. Rohmer ne pouvait rêver d’un plus bel et vibrant hommage.