Les garçons de la bande

William Friedkin

Avec Kenneth Nelson (Michael, celui qui invite), Leonard Frey (Harold, l’invité dont c’est l’anniversaire), Cliff Gorman (Emory, l’extraverti antiquaire), Frederick Combs (Donald, le copain fidèle), Laurence Luckinbill (Hank, le prof), Keith Prentice (Larry, le photographe), Robert La Tourneaux (Cow boy, le cadeau), Reuben Greene (Bernard, le black sympa), Peter White (Alan, le Wasp hétéro)

Couleurs - 1970 - DVD

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L'intrigue

Pendant l’année 1967, dans l’Upper East Side, un quartier du centre de New York, Michael réuni six de ses meilleurs amis gays pour fêter l’anniversaire d’Harold, le septième de la bande. C’est ainsi que se retrouvent : Donald, l’ami fidèle, Emory, l’antiquaire extraverti et déluré, Hank, le prof de Math jaloux et son amant Larry, photographe de mode, ainsi que Bernard un jeune noir sympathique. Alan, le copain de collège de Michael hétéro, s’invite à la dernière minute. Il ne connaît rien des orientations sexuelles des autres invités. Michael qui le soupçonne d’être un « homo refoulé » laisse échapper sa rancœur.

  • La Tourneaux (Cow boy, le cadeau) et Cliff Gorman (Emory, l’extraverti antiquaire)

  • Les garçons de la bande

  • Cliff Gorman (Emory, l’extraverti antiquaire)

  • Les garçons de la bande

  • Cliff Gorman (Emory, l’extraverti antiquaire), et Kenneth Nelson (Michael, celui qui invite)

  • Kenneth Nelson (Michael, celui qui invite)

  • Peter White (Alan, le Wasp hétéro), Kenneth Nelson (Michael, celui qui invite) et erick Combs (Donald, le copain fidèle)

  • Les garçons de la bande

  • Robert La Tourneaux (Cow boy, le cadeau)

  • Keith Prentice (Larry, le photographe)

  • Les garcons de la bande

  • Cliff Gorman (Emory, l’extraverti antiquaire) et Reuben Greene (Bernard, le black sympa)

  • William Friedkin

  • Les garcons de la bande: Affiche

  • Mart Crowley, l'auteur de la pièce et du scénario

  • Affiche de la pièce

L’homosexualité comme elle n’est plus (1)

A la toute fin des années soixante, Mart Crowley, un jeune scénariste n’arrive pas à trouver du travail à Hollywood et décide d’écrire une pièce de théâtre inspirée des évènements de sa vie. Il trouve avec difficulté des producteurs pour monter sa pièce et le succès est au rendez-vous. « Les garçons de la bande » se joue sans discontinuer à New-York dans le circuit off de Brodway et devient la pièce à la mode qu’il faut avoir vu. Pour Tony Kushner, l’auteur de la série « Angels in America » : « C’est la première pièce gay intentionnellement conçue par l’auteur et les producteurs pour être un succès public. (…) C’était le début d’une nouvelle ère. » (( Extrait de l’interview de Kushner dans le documentaire réalisé par Laurent Boulereau dans les bonus du dvd, édition Carlotta )). Attiré par le succès, les propositions de film affluent. Mart Crowley, qui n’oublie pas les désagréments subis à Hollywood quelques années plus tôt, impose ses conditions. Il veut écrire l’adaptation de la pièce et les comédiens du film seront ceux de la pièce. Laurence Luckinbill qui joue le rôle de Hank, se souvient : « Mart a fait preuve d’un sacré courage pour refuser (ces propositions). Il a dit ce sera eux ou le film ne se fera pas. On en revenait pas… » (( Extrait de l’interview de Luckinbill dans le documentaire réalisé par Laurent Boulereau dans les bonus du dvd, édition Carlotta )).
William Friedkin est recruté pour faire la mise en scène des « garçons de la bande ». Il vient de réaliser « L’anniversaire » (1968) à partir de la pièce de Pinter, le film a été remarqué, mais n’a eu aucun succès. C’est donc un réalisateur débutant de 25 ans, plein d’énergie et encore fasciné par le cinéma européen qui transforme la pièce de Crowley en un thriller psychologique haletant (( Dans une interview donnée à « Variety » en 1967, Friedkin attaque l’industrie américaine de divertissements et déclare : « C’est la fin des films a intrigue, ils ne présentent plus aucun intérêt pour un réalisateur sérieux. (…) Je défie quiconque de me dire de quoi parle des films comme « Blow-Up », « Juliette et les esprits », « La guerre est finie »… » Cité par BISKIND Peter, dans Le nouvel Hollywood, Paris, Le cherche midi, Coll. Documents, 2012, page 217 )). Friedkin : « Je tenais à avoir un rythme trépidant. (…) ça devait être vivant et plein d’échanges » (( Extrait de l’interview de Friedkin dans le documentaire réalisé par Laurent Boulereau dans les bonus du dvd, édition Carlotta )). Le film commence dans la gaité et la lumière. L’atmosphère s’assombrit et le rythme se ralentit au fur et à mesure que le drame se noue. Le film rencontre un succès mitigé et rapporte peu d’argent.
« Les garçons de la bande » marque la fin de la première manière de faire de Friedkin, qui opère une mutation. Il cesse de regarder du côté de l’Europe et de son cinéma d’auteur pour se brancher sur L’Amérique profonde et se consacrer aux films d’action. « Les films américains des années 30 et 40 comportaient des intrigues claires et des personnages forts, la Nouvelles Vague européenne a décollé, on a tous suivi et on s’est cassé la gueule. A force de copier Godard et Fellini on a oublié nos racines » (( Interview de Friedkin au magazine « Variety », cité par BISKIND Peter, dans Le nouvel Hollywood, Paris, Le cherche midi, Coll. Documents, 2012, page 219 )). Friedkin enchaîne coup sur coup « French connection » (1971) et « L’exorciste » (1973) qui sont d’immenses succès commerciaux et deviennent immédiatement des classiques du cinéma Américain. Les cinéphiles suivent difficilement ou avec retard, Friedkin est considéré comme un cinéaste incontrôlable, dérangeant et moralement suspect. ((« Cinéaste très irresponsable dans ses qualités comme dans ses défauts, il ne semble jamais maîtriser ce qu’il veut dire et son propos paraît toujours haché, contradictoire et inconséquent – ou alors si on le prend au pied de la lettre, réactionnaire et manipulateur (parfois brillamment) ». COURSODON Jean-Pierre et TAVERNIER Bertand, 50 ans de cinéma américain, Paris, Nathan, Coll. Omnibus, 1995, page 498 )).
Revenons au film : Mart Crowley analyse : « Lorsque le moment de libération des gays s’est enfin imposé, il y a eu un contrecoup. La pièce était considérée comme trop négative. Elle passa de mode et fut oubliée ». Il en fut de même pour le film qui rappelait aux militants gays une manière de parler de l’homosexualité et une époque qu’ils souhaitaient sortir de leur mémoire. Didier Roth-Bettoni : « Cette comédie cruelle à l’humour féroce (…) n’est pas exempte de nombreuses notations sur la difficulté (voire la douleur) d’être gay partagée par la plupart des personnages (…), cet aspect (décrié à l’époque par plusieurs critiques et activistes homosexuels d’un mouvement tout juste émergeant) est plus que compensé par la manière dont le film sait s’affranchir des images habituelles des homosexuels ». (( Didier ROTH-BETTONI, L’homosexualité au cinéma, Paris, La Musardine, 2007, page 291 )).

Les temps ont heureusement changé et même si le statut des homosexuels est toujours l’objet d’un combat et risque toujours de redevenir précaire, les gays ne suscitent plus, dans notre pays, la haine et l’hostilité comme dans les années soixante-dix. Mais surtout, et c’est ce que rappelle le film de Friedkin, les homosexuels ont cessé de se détester. Le film « Les garçons de la bande » rend palpable et visible cette mutation. Mart Crowley ne pourrait plus faire dire à Michael, le héros de sa pièce : « Montrez-moi un homosexuel heureux et je vous montrerai son cadavre ».