La salamandre

Alain Tanner

Avec Bulle Ogier (Rosemonde), Jean-Luc Bideau (Pierre), Jacques Denis (Paul)

Noir et blanc - 1971

L'intrigue

Pierre et Paul sont engagés pour écrire le scénario d’un film de télévision basé sur le fait-divers suivant: Il y a deux ans, Rosemonde a été accusée d’avoir tiré avec une carabine sur son oncle. Elle a toujours nié les faits et faute de preuve, l’affaire s’est conclue sur un non-lieu. Les deux partenaires ont chacun leur méthode. Paul fait appel à son imagination pour écrire l’histoire tandis que Pierre fait une enquête journalistique et accumule les informations sur son personnage jusqu’à ce que les deux compères retrouvent la vraie Rosemonde. Le personnage est très différent de ce qu’ils avaient imaginé et la rencontre bouleverse tout.

  • Jean Luc Bideau et Jacques Denis

  • Jean Luc Bideau et Bulle Ogier

  • Bulle Ogier (Rosemonde

  • Bulle Ogier (Rosemonde)

  • Bulle Ogier

  • Alain Tanner

  • Affiche: La salamandre

"Ah ! Que le bonheur est proche ! "

C’est parce que Tanner vit en Suisse, c’est à dire loin de Paris, de Londres ou de Berlin qu’il a su trouver la bonne distance et le ton juste pour dresser ce qui apparaîtra après coup comme le portrait de la génération de 68. « La Salamandre » est un film décalé, loufoque, qui improvise au bord du vide et dans un désordre apparent, une succession de scènes bricolées et inspirées. Tanner choisit une Parisienne branchée de l’époque (Bulle Ogier) pour incarner Rosemonde, une femme censée représenter les aspirations nouvelles de la jeunesse des années 70. Les personnages de la Salamandre n’ont pas vieilli de la même manière. Autant Paul et Pierre ont pris un coup de vieux et incarnent le « prêt à penser » fantasque et sympathique de l’idéologie de l’époque, autant Rosemonde est déjà notre contemporaine. Elle aime son corps, le plaisir, la ville, le sexe, la musique. Elle fait un travail stupide, elle est entourée de gens tristes, elle vit dans une société qui l’étouffe. Elle n’est pas une intellectuelle engagée, elle ne revendique rien, elle ne veut pas changer le monde ou faire la révolution, elle demande juste à être libre, à faire l’amour avec qui elle veut et surtout, elle ne veut pas « qu’on l’emmerde ».
Il est difficile aujourd’hui de percevoir ce que 68 a apporté de nouveau tant les acquis de cette période nous semblent des évidences. « La salamandre » montre cette mutation en train de se réaliser. Tanner constate avec lucidité et une pointe de regret que le romantisme a changé de camp, il n’est plus du côté de la résistance, du combat politique ou de l’engagement militant, mais dans la défense d’un hédonisme égoïste, individuel et bassement matériel. A travers les aspirations de Rosemonde s’ébauche un monde où le corps, l’argent, les plaisirs et la consommation prennent le pas sur celui de la pensée. Une préfiguration du monde qui est le nôtre.
Tanner a réalisé « Fourbi » en 1995, film qui est une suite et une reprise tout à fait formidable de la Salamandre avec Karin Viard dans le rôle de Rosemonde.

Documents
Tanner a écrit à propose de la Salamandre dans son livre-entretien intitulé « Ciné-mélange » publié en 2007 : ((Page 128 – Ciné-mélange – Alain Tanner – Seuil – 2007)) « Mai 68 à Paris fut un grand happening, un grand théâtre de rue, ludique, une libération de la parole. (…) Mes deux premiers longs-métrages sont le reflet à distance des événements et lui doivent aussi leur succès. Même si nos sociétés pratiquent depuis la méthode du « marche arrière toute ; les graines ont été semées en 68 et continuent de produire quelques plantes, celles qui ont été, pense-t-on, enterrées, courent toujours sous la terre comme le sang dans les veines ».