Kaboom

Greg Araki

Avec as Dekker (Smith), Haley Bennett (Stella), Juno Temple (London), Chris Zylka (Thor), Jason Olive (Hunter)

Couleurs - 2010 - DVD

L'intrigue

Smith mène une existence insouciante et plaisante sur le campus d’une université américaine. Sa vie tourne principalement autour de Thor, son « coloc-surfer-hétéro-blond-abruti » dont il est amoureux (un peu) et Stella sa « meilleure-amie-intello-lesbienne-rigoriste » qui lui sert de confidente, la jolie London, son « amie-sex-friend-pas-prise-de-tête » qui adore les homos et avec qui il se sent un lien « fraternel ». Il fréquente aussi Hunter, un « beau-black-homo-marié-qui-drague-sur-la-plage-et-qui-n’assume-pas » et sa mère, une « blonde-femme-d’affaire-debordée-sadique » qui paie 3000 dollars par mois pour les études de son fils et aimerait avoir la paix. Tout se passe à merveille sauf que pendant une fête, après avoir absorbé un gâteau contenant des substances illicites, Smith découvre que son « père-Dieu-absent-habillé-de-blanc-mutique-et-malfaisant » est à la tête d’un complot mené contre lui, ses proches, sa famille, les Etats-Unis, le monde… Complot qui dérape jusqu’à l’apocalypse.

  • Halley Bennett (Stella), Tomas Dekker (Smith) et Juno Temple (London)

  • Haley Bennett (Stella)

  • Chris Zylka (Thor)

  • Avec Tomas Dekker (Smith)

  • Greg Araki

  • Jacquette dvd: Kaboom

Schreber 2010

« Kaboom » (( L’expression « Kaboom » signifie « badaboum » en anglais )) est ce qu’on appelle un « teen-movie » ou un film de campus. Il raconte la sexualité débridée et sympathique de jeunes gens qui vivent en vase clos dans une résidence universitaire. Le réalisateur Greg Araki est un habitué du genre. Il a réalisé dans les années 90 trois films de ce type pour un public adolescent et il récidive avec « Kaboom » à 50 ans passé. Le film ne vous laissera sans doute pas une impression impérissable, mais il a l’intérêt humer l’air du temps et d’offrir une représentation cinématographique drôlatique et originale au débat actuel sur l’orientation sexuelle et le genre (( « Kaboom » a reçu la « Queer palm » en 2010 que les organisateurs du prix présentent comme le prix du film LGTB et qui est attribué pendant le festival de Cannes. )) ainsi qu’à son corolaire, le refus de l’appartenance à l’un des deux sexes,  jugée phallocratique et dépassée. D’après Clément Graminiès critique de cinéma à Critikat, il s’agit d’une « réflexion amusée sur le genre et les étiquettes sexuelles (héréo, gay, bi…). Chaque personnage semble réfuter toute appartenance à une orientation sexuelle et fait de son corps un instrument politique, seul capable de discréditer un ordre patriarcal totalement désuet où seule la question de la filiation compterait. » (( Critique de Clément Graminiès pour critikart : http://www.critikat.com/Kaboom.html ))
Le film fait référence à l’échelle de Kinsey, un test psychologique inventé par un sexologue américain sulfureux et contesté qui dans les années cinquante, a redécouvert la bisexualité dont Freud avait dès 1905 fait la pierre angulaire de sa théorie sexuelle. (( FREUD Sigmund, Trois essais sur la théorie sexuelle, Gallimard, coll. Connaissance de l’inconscient, Paris, 1987. Je résume en quelques lignes les idées principales de Freud: Le but de la sexualité n’est pas la procréation. La sexualité est au service d’elle-même. Elle échappe à l’ordre de la nature, elle est contre-nature. La sexualité de l’adulte est de caractère infantile. L’enfant est un pervers polymorphe. Il fait un usage sexuel de tout, ce qui entre, ce qui sort, soi-même, autrui, contenu, enveloppe… L’enfant est pervers, cannibale, homosexuel, incestueux. )) L’échelle de Kinsey définit une orientation sexuelle à partir d’un test basique et gradué qui attribue 6 à celui qui a uniquement une pratique sexuelle homosexuelle et zéro a celui qui a une pratique hétéro. (( Faites le test : http://www.psychomedia.qc.ca/tests/klein ))
Le film d’Araki raconte le délire de Smith… Délire qui possède les deux caractéristiques de la paranoïa définie par Freud : Le délire de persécution, (mon père est ses sbires veulent détruire le monde) et la folie des grandeurs (Je suis « l’Elu » et le fils de Dieu). Avec cette élaboration délirante, Smith invente une conception du monde nettement moins originale que celle imaginée par président Schreber et analysée par Freud, qui selon lui, trouve son origine dans un refus de désir homosexuel. Le cas du président Schreber commenté par Freud en 1911 (( FREUD Sigmund, « Remarques psychanalytiques sur l’autobiographie d’un cas de paranoia, Le président Scherber, dans Cinq psychanalyses, PUF, Coll. Bibliothèque de la psychanalyse, Paris, 1954, p 263 – 324. )) trouve un surprenant écho avec le film d’Araki, quintessence de la « branchitude » parisienne et international de 2010.

Lire les critiques :
http://www.critikat.com/Kaboom.html
http://television.telerama.fr/tele/films/kaboom,19234405.php
http://abonnes.lemonde.fr/cinema/article/2010/10/05/kaboom-palme-du-film-queer_1420247_3476.html

Document

Résumé du cas Scherber
En 1903, Daniel Paul Schreber publie un ouvrage qui va passionner les psychiatres de son époque et dont Freud fera une analyse détaillée. (( FREUD SIGMUND, « Du mécanisme de la paranoïa » chapitre 3 de l’article, « Le président Schreber » dans Cinq psychanalyses, PUF, Coll. Bibliothèque de la psychanalyse, Paris, 1954, p 304 )). Schreber est un notable. Il est président du tribunal de la Cour d’appel de Dresde en Allemagne. Il est marié et sans enfant. Il est interné à trois reprises dans une clinique pour malades nerveux et souffre atrocement. Il tente de se suicider à plusieurs reprises et présente des troubles psychiques graves. Il est persuadé d’être persécuté par le médecin qui le soigne, le professeur Flechsig. Après la seconde crise Schreber publie le récit détaillé, raisonné et baroque de la persécution dont il est victime. Son livre est la retranscription précise et minutieuse de son délire et de sa conception originale du monde. Il écrit : « Un complot se perpétra contre moi (…) qui avait pour objet de me livrer à un être humain de telle sorte que mon âme fut abandonnée, tandis que mon corps, changé en un corps de femme, se trouva livré, comme tel à l’être humain en question (Pr. Flechsig), en vue d’abus sexuel ». Avec le temps, ses idées délirantes prennent un caractère mystique et religieux. Pour Schreber, le monde d’avant a disparu pendant un tremblement de terre ou une catastrophe mondiale. Les hommes qui se présentent à lui ne sont plus que des êtres « bâclé à la six-quatre deux ». Il est le seul homme survivant en rapport direct avec Dieu qui souhaite le transformer en femme pour engendrer une nouvelle race d’hommes. Freud utilise le récit de Schreber pour analyser et théoriser cette psychose particulière, qu’est la paranoïa.