Harry dans tous ses états
Woody Allen
Avec Woody Allen (Harry Block), Billy Crystal, Judy Davis, Elisabeth Shue, Demi Moore, Robin Williams, Mariel Hemingway
L'intrigue
Harry Block, un écrivain à succès est invité dans son ancienne université pour y recevoir un prix. Il s’y rend après avoir « kidnappé » son fils à la sortie de l’école, accompagné d’un vieil ami rencontré par hasard et d’une prostituée dont il a été le client la veille.
Photos et vidéos extraites du film
Allen jusqu’au bout
Publié le par Pascal Laëthier
Woddy Allen interprète à l’écran des artistes ratés, mal dans leur peau, complexés, obsédés sexuel, souvent alcooliques, qui n’ont pas de succès avec les femmes. Dans la réalité Allen Stewart Königsberg est un travailleur acharné, opiniâtre, efficace, respecté, séducteur et aimé des femmes qui défend farouchement son indépendance et sa liberté de création. Il est parvenu au fil des années à construire un système de production unique au sein du cinéma indépendant américain. Woody Allen s’est entièrement affranchi du pouvoir des studios. Il tourne le scénario qu’il a écrit, quand il le souhaite, sans que personne d’autre ne décide de ce qui est bon pour le film. Il se donne la possibilité de retourner les scènes qui le lui déplaisent au montage et paie tous les comédiens, quelle que soit leur notoriété, une somme forfaitaire sans rapport avec les cachets habituels des stars. La contrepartie de cette liberté c’est que ses films ont des budgets limités par rapport à ceux des films américains moyens et qu’ils doivent impérativement rapporter de l’argent.1
Woody Allen a débuté au cinéma avec l’ambition de faire rire. Ses premiers films ne sont que prétextes à des avalanches de gags. « Annie Hall » (1977) marque un tournant dans sa carrière. Il y affiche une ambition artistique et devient un véritable réalisateur de films. Pendant plus de vingt ans, il ne cesse d’inventer des formes nouvelles et d’explorer les possibilités narratives du cinéma. « Harry dans tous ses états » correspond à l’apogée et à la fin de sa période « Américaine ». Woody Allen pousse sa manière à l’extrême et réussit un de ses plus beaux films. Toutes les obsessions du cinéaste y sont présentes. Il s’en prend tour à tour au judaïsme intégriste, aux critiques littéraires, aux psychanalystes, aux femmes insatisfaites, à la quête de la réussite, aux biens pensants de tous poils, à Dieu et bien sûr à lui-même. La forme reste classique et le film accessible à tous, mais le récit est d’une complexité et d’une audace inégalée. Il multiplie les inserts dans la trame narrative, utilise les flash-back, montre des rêves, voyage dans le passé, donne à voir des extraits du livres de son héros, hallucine les absents et montre la vie après la mort avec un passage en enfer. Le génie de Woody Allen tient dans ce mélange de comédie et de drame, dans le respect des règles de « l’entertainment » et à son inépuisable inventivité.
- Jean-Michel Frodon, le chapitre « Passage en zone libre » dans Conversation avec Woody Allen, Paris, Editions Plon, 2000, note en bas de page, p 139 à 171 [↩]