Le ciel rouge

Christian Petzold

Avec Thomas Schubert (Léon), Paula Beer (Nadja), Langston Uibel (Félix), Enno Trebs (Devid), Matthias Brandt (Helmut Werner, l’éditeur)

Couleurs - 2023 - En salle

L'intrigue

Une femme et trois hommes se retrouvent dans une maison en forêt le temps des vacances, autour d’eux les incendies menacent.

  • Thomas Schubert (Léon) et Paula Beer (Nadja)

  • Paula Beer (Nadja)

  • Paula Beer (Nadja)

  • Paula Beer (Nadja), Langston Uibel (Félix), Thomas Schubert (Léon) et Enno Trebs (Devid)

  • Langston Uibel (Félix) et Thomas Schubert (Léon)

  • Matthias Brandt (Helmut Werner, l’éditeur) et Paula Beer (Nadja)

  • Langston Uibel (Félix)

  • Paula Beer (Nadja), Enno Trebs (Devid), Langston Uibel (Félix) et Thomas Schubert (Léon)

  • Langston Uibel (Félix), Enno Trebs (Devid), Thomas Schubert (Léon), Paula Beer (Nadja)

  • Thomas Schubert (Léon)

Le ciel rouge

Après Barbara (2012), Phoenix (2014) et Ondine (2020), Christian Petzold réalise Le ciel rouge (2023) ; Après l’eau, le feu.
Le ciel rouge est un film d’été, d’après Petzold les films d’été sont une sorte d’éducation sentimentale ((Le Monde du 10 septembre 2013, interview de Christian Petzold par Clarisse Fabre.)) sur des jeunes gens qui vont passer l’été ensemble quelque part ((Interview de Christian Petzold dans le dossier de presse)). Christian Petzold explique ainsi la genèse de son film et plus particulièrement celle du personnage principal, Léon : Ce personnage trois origines séparées : La première est un film d’Éric Rohmer, « La collectionneuse » qui parle de deux salauds et d’une jeune femme. Les hommes imaginent beaucoup de choses sur cette femme, et puis à un moment, elle décide de s’en aller et les laisse tout seuls. La deuxième est une nouvelle de Tchékhov intitulée « Missius », où des amis artistes passent l’été ensemble. Dans la maison voisine, il y a deux sœurs. Une sœur est amoureuse d’un des hommes, mais ils vont manquer l’occasion de s’aimer, parce que l’artiste ne voit que lui-même. Ces deux premiers éléments m’ont amené à un troisième point, qui est moi-même. Quand j’ai fait mon deuxième film, « Cuba Libre » en 1995, je voulais accomplir des choses formidables, mais je me suis rendu compte après coup que ne faisais que jouer au réalisateur, sans avoir la passion de ma matière elle-même, seulement de moi. Je me suis souvenu de ça et je l’ai raconté à Thomas Schubert (le comédien qui joue le rôle de Léon). Et c’est ainsi qu’il est devenu quelqu’un qui ne fait que semblant d’être écrivain ((Extrait de l’interview de Christian Petzold par Thérésa Vena pour le portail Cineuropa. )).
Pour Petzold ce qui prime dans un film c’est la manière, avant le sujet ou l’histoire. Ce qui caractérise les films de Petzold, de Rohmer et de la plupart des cinéastes de la Nouvelle Vague c’est une passion pour le cinéma comme dispositif de représentation ; faire un film c’est mettre en rapport des images et des sons plutôt que de raconter une histoire en image. La réalisation c’est d’abord un acte qui met en avant la puissance de représentation du cinéma avec ses moyens propres plutôt que de mettre en image des œuvres littéraires. Petzold nous en livre une démonstration éblouissante avec Le ciel rouge, d’autant que la création en littéranture est l’un des nombreux thèmes qui traverse le film.
Le ciel rouge commence comme un conte dans la tradition des rêves romantiques allemands : la forêt, le demi-sommeil, la musique, deux jeunes hommes qui roulent en voiture et se perdent. Ils sont à la dérive. Avec ce début, rien n‘est encore posé, si ce n’est cette chose-là : c‘est du cinéma ((Interview de Christian Petzold dans le dossier de presse. )).
Rapidement l’action du film se centre sur les rapports entre Léon, un jeune écrivain imbu de lui-même et suffisant qui termine l’écriture de son deuxième roman et Nadja, une étudiante qui passe l’été en vacances en travaillant dans le restaurant proche de leur lieu de villégiature. Pour Maryan Benmansour ((Maryan Benmansour a animé la discussion qui a suivie la projection du film à l’Entrepôt le 10 novembre 2023.)) Léon est un idiot au sens étymologique du terme. ((Le terme idiot vient du latin idiote qui signifie ignorant, sot et du grec idiotès qui signifie particulier c’est-à-dire étranger à tel ou tel métier, ignorant. )). Léon joue à être écrivain et devient ignorant et sot enfermé sur lui-même tellement il est sourd et aveugle à ce qui l’entourent. Petzold propose une fable ou un drame dans lequel la création devient un obstacle et un empêchement à l’amour et à la vie elle-même. Maigre consolation et (ou) happy-end, Léon parviendra finalement à faire de ce ratage et de cette non-rencontre avecNadja l’objet de son second roman.
Christian Petzold : Dans les années 60/70 et 80, c’était l’époque où on pouvait s’échapper ensemble de la pression sociale. Mais aujourd’hui, dès l’âge de 22 ans, tu dois savoir qui tu es. (…) Tu ne dois pas te gaspiller, ni être prodigue de toi-même, tu ne peux plus dériver, c’est ce que font les personnages qui sont autour de Léon. (…) C’est la raison pour laquelle Nadja s’intéresse à Léon : elle aimerait bien le pousser à être prodigue, car l’amour, c’est précisément ça : la possibilité d’être prodigue avec soi-même. (…) En fait, le film n’est pas le roman d’apprentissage de quelqu’un qui devient quelqu’un, mais de quelqu’un qui doit à nouveau perdre quelque chose ((Interview de Christian Petzold dans le dossier de presse.)).