Lilith
Robert Rossen
Avec Warren Beatty (Vincent Bruce) , Jean Seberg (Lilith) , Peter Fonda ( Stephen)
L'intrigue
Vincent Bruce est engagé dans une clinique psychiatrique comme aide soignant. Il tombe sous le charme de Lilith, une jeune patient schizophrène qui l’entraine lentement dans sa folie.
Photos et vidéos extraites du film
Le schizophrène et celui qui le soigne
Publié le par Pascal Laëthier
Robert Rossen, cinéaste américain, a adhéré brièvement au parti communiste américain en 1937. Il fait partie des 19 premiers incriminés convoqués devant le comité des activités anti-américaines en 1947 chargé de poursuivre les cinéastes suspectés d’être communiste, dans un premier temps, il n’est pas inquiété. Convoqué de nouveau en juin 1951, il refuse de collaborer, s’ensuivent deux ans d’inactivité forcée. Finalement, Rossen demande à témoigner en 1953 et lit à voix haute les noms des 57 scénaristes et cinéastes de sa connaissance qui comme lui, avait adhéré au PC Américain. C’est à ce prix qu’il peut reprendre ses activités dans le cinéma. Interviewé en 1966 pour les Cahiers du cinéma, Jean Seberg le décrit comme « un homme très compliqué, angoissé même, qui se posait constamment des questions sur lui-même. De cette angoisse, il faut peut-être rechercher la cause dans le grand traumatisme maccarthyste où son monde alors, avait littéralement basculé… (…) Le choc moral de cette affaire l’avait, je pense, profondément changé ».1
En 1963, Robert Rossen entreprend l’adaptation d’un roman de J.R. Salamanca intitulé « Lilith » qui traite de la schizophrénie. Comme souvent quand il s’agit de psychose, l’entreprise de Rossen est contaminée par son sujet. L’ambiance sur le plateau est exécrable et les comédiens ne s’entendent pas et Rossen, malade et diminué, peine a tenir son équipe
D’après Olivier Père, Lilith est « à mille lieues des clichés hollywoodiens sur la maladie mentale » et a l’opposé de la manière de présenter la folie de « Shock Corridor » (1963) de Fuller, de « La toile d’araignée » (1955) de Minnelli ou de « Vol au dessus d’un nid de coucou » (1975) de Forman2. La description de cet amour fou tragique et sans espoir, très influencée par le cinéma européen, au récit volontairement déstructuré et elliptique alterne entre réalisme, onirisme et symbolisme. La folie est suggérée avec finesse par le flou et la structure même du montage volontairement heurtée et à rebours de l’évidence. « La continuité visuelle est constamment disloquée et elliptique. Des scènes commencent et se terminent de manière abrupte »3. La présence de l’eau, l’omniprésence de la sexualité, le désir qui sans cesse affleure et voisine avec la folie, contribue a faire de Lilith un objet étrange et passionnant.
Aux Etats-Unis, la critique boude le film et sa réception est mitigée4. En France seul Jean-André Fieschi dans les Cahiers du Cinéma, décrit Lilith comme « l’incontestable chef-d’œuvre » du cinéaste5. Rossen est profondément déçu par l’accueil réservé à son film. Sa maladie s’aggrave, hospitalisé à plusieurs reprises, il meurt en 1966 à 58 ans. Lilith est son dernier film.
- SEBERG JEAN, « Lilith et moi », article des Cahiers du cinéma, avril 1966, cité par CASTY ALAN, « Rossen », Anthologie du cinéma, N° 28, Avant-Scène, Octobre 1967, page 417 et 418 [↩]
- Olivier Père sur son site : http://www.arte.tv/sites/fr/olivierpere/2012/03/10/lilith-de-robert-rossen/ [↩]
- CASTY ALAN, « Rossen », Anthologie du cinéma, N° 28, Avant-Scène, Octobre 1967, page 432 [↩]
- Les propos de Peter Biskind, dans le bonus du dvd témoigne encore, cinquante ans après la sortie du film, de cette incompréhension [↩]
- Cité par CASTY ALAN, « Rossen », Anthologie du cinéma, N° 28, Avant-Scène, Octobre 1967, Page 432 [↩]