Passion d’amour

Ettore Scola

Avec Laura Antonelli (Clara), Valeria d’Obici (Fosca), Bernard Giraudeau (Giorgio), Jean-Louis Trintignant (le commandant), Bernard Blier, Massimo Girotti

Couleurs - 1981 - DVD

L'intrigue

En 1863, un jeune officier italien, Giorgio, est contraint de quitter sa jeune et belle maîtresse, Clara pour rejoindre sa caserne lointaine et isolée. Il fait la rencontre de Fosca, la nièce malade et très laide du commandant de la place. La jeune femme, cultivée, intelligente, perverse, manipulatrice et opiniâtre tombe immédiatement amoureuse du bel officier. Giorgio éprouve un sentiment trouble pour Fosca. Il passe du dégoût à la pitié pour finalement succomber à une passion morbide et destructrice.

  • Valeria d’Obici (Fosca)

  • Jean Louis Trintignan et Bernard Giraudeau

  • Valeria d'Obici (Forca) et Bernard Giraudeau (Giorgio)

  • Ettore Scola

La naissance de l’hystérie

« Passion d’amour » est un film sur la laideur. Il s’agit de l’adaptation cinématographique d’un roman d’Iginio Ugo Tarchetti intitulé « Fosca » (Traduction française aux Editions du sonneur). La mise en scène d’Ettore Scola est classique, voir conventionnelle. Fosca est montrée comme une créature malade, morbide et malfaisante. Cette impression est accentuée par contraste avec le physique pulpeux et le charme « mammaire » de Clara interprétée par Laura Antonnelli. Comme à son habitude, Ettore Scola ne recule pas devant les moyens employés, il joue sur le malaise et n’hésite pas à donner en spectacle la laideur de Fosca. La performance du maquilleur et de Valeria d’Obici sont remarquables tant le personnage qu’incarne l’actrice est repoussant. Scola dresse un réquisitoire contre le monde des idées généreuses et des sentiments élevés. C’est un film sur « la pitié dangereuse », la cruauté de l’altruisme et la faillite de l’idéal romantique. Scola se fait l’observateur complaisant du naufrage du naïf officier devenu le jouet d’une femme déterminée et désespérée, hantée par la mort. La scène de séduction où Fosca dicte sa conduite à Giorgio et lui dit les mots qu’il doit répéter est un grand moment d’ambiguïté perverse.

Fosca est monstrueusement laide, c’est sur ce constat, ou plutôt ce postulat que repose le film, mais sa laideur n’est que le reflet du monde qui l’entoure. Le film raconte l’impossible place faite aux femmes dans l’Europe de la fin du XIXème. Tarchetti le romancier et Scola le cinéaste s’appliquent à faire avec minutie, mais en « négatif » le portrait de la femme moderne vu par des hommes. Ils font la description du surgissement d’un être différent, sexuée, rebelle, indomptée, qui parle et qui désire… (( Il s’agit du même être monstrueux que celui décrit par Julien Duvivier dans « Voici le temps des assassins » (1956)  )). Sous une forme paradoxale et extrême, il s’agit bien de la description de l’hystérie telle que l’ont observée à la même époque Charcot, Breuer et Freud à d’autres endroits de l’Europe.