Amanda
Mark Sandrich
Avec Ginger Rogers (Amanda Cooper), Fred Astair (Docteur Flagg), Ralph Bellamy (Steve, l’avocat)
L'intrigue
Steve, brillant avocat est amoureux d’une chanteuse, mais Amanda n’arrive pas à l’épouser. Le juriste demande alors à un ami psychanalyste d’appliquer un traitement psychique à sa fiancée pour l’aider à surmonter ce blocage. Toutes les techniques y passent ; narcoanalyse (injection d’un anesthésique pour faciliter le rappel des souvenirs réprimés), hypnose et psychanalyse bien sûr, jusqu’à ce que l’inévitable se présente : Amanda s’éprend de son médecin.
Photos et vidéos extraites du film
L’amour... de transfert
Publié le par Pascal Laëthier
La psychanalyse s’est répandue massivement aux Etats-Unis dès les débuts du siècle dernier jusqu’à devenir le principal modèle de référence du traitement psychique. Freud appréciait modérément l’intérêt que les Américains portait à sa découverte, il était persuadé que l’abord de la psychanalyse y restait superficiel et que cet engouement n’était qu’une affaire de mode. Si la psychanalyse a influencé la psychiatrie et la psychologie américaine jusqu’à une époque récente, ce sont surtout les artistes, les scénaristes et les réalisateurs de Hollywood qui ont le mieux perçu l’originalité et le vif de l’invention de Freud. Pour Elisabeth Roudinesco: Tout le cinéma américain, même dans les films où on n’a pas l’air d’en parler, est habité par la psychanalyse. Ce sont les deux grandes fabriques de héros, de rêves, et le cinéma américain a toujours pris les grands mythes, parce que c’est un cinéma mythique. C’est pour ça que j’ai toujours dit que Hollywood c’est la psychanalyse (…) Le cinéma américain évolue en fonction de l’histoire de la psychanalyse comme un contre-champs, comme l’ombre de l’histoire, plus les psychanalystes américains deviennent dogmatiques, notables, installés dans une internationale, plus les cinéastes dérangent les psychanalystes en leur rappelant les origines 1. La psychanalyse ou du moins, une certaine compréhension de la théorie freudienne de l’inconscient conçue comme une partie excentrée de nous-même qui influencerait et dirigerait nos actions et nos pensées à notre insu, est utilisée au cinéma comme ressort de fiction. Hollywood se sert de la psychanalyse et de ce qu’elle en conçoit, pour fabriquer des scénarii. Tous les genres sont concernés : Les films noirs comme La maison du docteur Edwardes (1948) ou Pas de printemps pour Marnie (1964) d’Hitchcock, le western : La vallée de la peur (1947) de Walsh, mais aussi la comédie musicale comme dans Amanda (1938) réalisée par Sandrich, un des meilleurs films du duo Ginger Rogers et Fred Astaire. Dans ce film, les numéros musicaux y sont très réussis et bien intégrés à la comédie, particulièrement celui qui met en scène le rêve d’Amanda qui danse avec son psychiatre et se termine par un baiser.
Amanda est un film de studio qui présente une image de femme soumise qui n’est plus acceptable aujourd’hui, pour preuve ce trait d’humour discutable que le dialoguiste a mis dans la bouche Ginger Rogers : Faites le vide dans votre tête ! dit le docteur Flagg à sa patiente : Ca ne va pas être très difficile lui répond Amanda.
Gingers Roger est une danseuse, chanteuse et comédienne américaine qui s’est entièrement soumise au système des studios de Hollywood pour la réussite de sa carrière. Elle devient célèbre grâce à la dizaine de comédies musicales qu’elle a tournées avec Fred Astaire qui craignait que sa partenaire, plus expérimentée et talentueuse, lui fasse de l’ombre2. Leur duo rencontra un véritable succès bien que Ginger fut toujours moins considérée, moins bien payée et parfois malmenée par les réalisateurs avec qui elle a travaillé, ce qui fut le cas avec Sandrich sur le tournage d’Amanda.
D’après le portrait qu’Antoine Sire fait de Ginger Rogers le public avait le désir de voir les deux artistes ensemble : Hermes Pan résumait ainsi les atouts du tandem : « L’alchimie entre eux était strictement un accident. Nul n’aurait pu la prévoir. Je pense que Ginger réalisait mieux que Fred qu’ils créaient cette alchimie à laquelle le public répondait si bien. Lui était un peu fatigué d’être connu comme membre d’une équipe. C’est lui qui aurait voulu qu’ils se séparent, mais le public les voulait ensemble. C’était aussi compliqué de se séparer d’elle que de divorcer d’avec sa femme. » Si le couple uni à l’écran semblait parfois manquer de chaleur à la ville, c’est aussi parce que l’épouse de Fred Astaire, Phyllis Potter montait jalousement la garde autour de son mari. Mme Astaire venait sur le tournage et tricotait dans un coin du plateau. Forcément, sa présence décourageait toute familiarité, même purement amicale, de la part de Ginger et des autres femmes. (…) Lorsque, dans Carefree (Amanda) ; Fred Astaire embrasse sa partenaire à la fin de leur numéro de danse magnifiquement filmé au ralenti sur la chanson « I used to be color blind », c’est leur premier baiser en huit films : Phyllis Potter n’était pas sur le plateau lorsqu’il fut tourné. »3.
- Extrait de l’intervention d’Elisabeth Roudinesco à la cinémathèque française à propos de « Freud passion secrète », de John Huston (1962) le samedi 11 juin 2016, débat animé par Bernard Benoliel : Consultable sur : http://www.cinematheque.fr/video/901.html [↩]
- Gorges Stevens qui tourna une comédie avec Fred Astaire et sans Ginger Rogers (Demoiselle en détresse) qui fut un échec : « C’était comme Laurel sans Hardy » commenta le réalisateur à propos de cette expérience. Antoine Sire, Hollywood, la cité des femmes, Institut Lumière/acte Sud, 2016, p 641. [↩]
- Antoine Sire, Hollywood, la cité des femmes, Institut Lumière/acte Sud, 2016, p 642 [↩]