Torch song trilogy
Paul Bogart
Avec Harvey Fierstein (Arnold Beckoff), Anne Bancroft (Ma Beckoff, la mère), Matthew Broderick (Alan Simon), Brian Kerwin (Ed Resse)
L'intrigue
Arnold raconte à la première personne les aventures et les relations amoureuses d’un homosexuel, juif, New-Yorkais qui travaille comme travesti dans les cabarets de Broadway à la fin des années 70, avant l’épidémie de Sida. Arnold se met à nu, son récit est émouvant et drôle. Il témoigne d’une existence et d’un combat difficile et parfois tragique.
Photos et vidéos extraites du film
L’homosexualité comme elle n’est plus (2)
Publié le par Pascal Laëthier
« Female impersonator »
« Torch song trilogy » est l’adaptation d’une pièce de théâtre éponyme écrite, mise en scène et interprétée par Harvey Fierstein. De la pièce d’origine de 4 heures, Paul Bogart, a fait un film de 2 heures, honnêtement mis en scène. L’intérêt du film tient principalement à la personnalité de son auteur, Harvey Firstein, qui interprète Arnold Beckoff, parle à la première personne et raconte sa vision particulière et personnelle de l’homosexualité. D’après Thomas Doustaly, ancien rédacteur en chef de Têtu, « Avant lui et après lui, on a rarement parlé de l’homosexualité de cette manière ».1. Arnold, dès les premières minutes du film, se maquille en femme assis dans sa loge et regarde le spectateur droit dans les yeux: « Je suis en voie de disparition. Quand les droits des gays auront force de loi, moi et mes pareils, on passera à la trappe. » Il se présente comme un « female impersonator », expression impossible à traduire en français qui signifie « travelo de cabaret qui imite des femmes ». Cette manière d’être homosexuel dont l’équivalent français, celle de « Michou » le célèbre cabaret transformiste parisien, est en train de disparaître2.
Etre homosexuel à la fin des années soixante-dix
« Torch song trilogy » décrit avec humour et tendresse la difficulté de vivre son homosexualité à la fin des années soixante dix, une époque joyeuse, mais violente et tragique pour les homosexuels qui faisaient face à l’hostilité d’une partie importante de la société. Les vexations étaient quotidiennes, les crimes homophobes restaient souvent impunis, la société dans son ensemble, c’est à dire les familles, l’école, le monde du travail stigmatisaient les comportements des « invertis » et les homosexuels s’organisaient pour faire reconnaître leur droits.
« L’homophobie ne se coupe pas en rondelle, c’est le lit de la même rivière »
Dans une scène remarquable du film, Arnold accompagne sa mère au cimetière et pendant qu’elle se recueille sur la tombe de son mari, Arnold récite la prière des morts pour Alan, son ami décédé à la suite d’une agression homophobe et enterré dans le carré familial. La mère s’en prend alors violemment à son fils et lui reproche sa prière.
– Arnold : Maman, tu sais que c’était mon amant…
– La mère : Attends, attends… C’est pareil, mon mariage, et toi et Alan ? Nous avons été mariés 35 ans. Nous avons eu deux enfants…
– Arnold : Maman, je parle du chagrin…
– La mère : Quel chagrin ? Des bêtises avec un garçon. Comment tu peux comparer ça à 35 ans de mariage. (…)
Arnold explose.
– Arnold : J’ai perdu quelqu’un que j’aimais. Ton mari est mort à l’hôpital, le mien, il est mort dans la rue. Oui, ils l’ont tué dans la rue, à 27 ans, étendu dans la rue, tué à coups de battes de baseball par des gosses qui ont écouté des gens comme toi. Les pédés ça ne compte pas. Les pédés ça n’aime pas. Et, en tout cas, ils méritent leur sort.
Le raisonnement de Fiestein reprend la même rhétorique que celle de Kazan dans son film « Le mur du silence » (1947) à propos de l’antisémitisme. S’appuyer sur le constat de la différence des homosexuels et de l’intolérance de la société pour se placer en observateur détaché et neutre des injustices qu’ils subissent, c’est se mettre du même côté que ceux qui stigmatisent. Le silence et la complicité sont de la même eau, et comme l’affirme Doustaly « L’homophobie ne se coupe pas en rondelle. C’est le lit de la même rivière »3. Face à sa mère qui considère l’homosexualité comme une maladie, Arnold répond : « Je demande du respect et de l’amour, si tu n’es pas capable de me donner ça, tu n’as rien à faire dans ma vie. (…) La maladie va quitter les lieux ». Le combat pour le respect des droits des homosexuels ne souffre pas d’exception, pas même celle de sa mère, c’est le terrible constat auquel se résigne Arnold.
Un film homosexuel et universel
« Torch song trilogy » est un film gay, militant qui proclame haut et fort son homosexualité et défend le droit à la différence. Son message dépasse largement la communauté des homosexuels. Pour Didier Roth-Bettoni : « Certaines scènes, (l’infinie douceur de l’intimité entre Fierstein et Broderick, le terrible affrontement avec la mère dans le cimetière), par leur caractère quasi inédit dans le cinéma américain, ont marqué une date dans le regard des homosexuels sur eux-mêmes et du grand public sur les gays. »4
- « Torch song analyse », interview de Thomas Doustaly, (ancien rédacteur en chef de Têtu), réalisée par Géraldine Mouche – 2006 – Métropolitain film export, bonus du DVD [↩]
- « Ce monde là a pratiquement disparu » « Torch song analyse », interview de Thomas Doustaly, (ancien rédacteur en chef de Têtu), réalisée par Géraldine Mouche – 2006 – Métropolitain film export, bonus du DVD [↩]
- « Torch song analyse », interview de Thomas Doustaly, (ancien rédacteur en chef de Têtu), réalisée par Géraldine Mouche – 2006 – Métropolitain film export, bonus du DVD [↩]
- Didier ROTH-BETTONI, « L’homosexualité au cinéma », La musardine, 2007, P 343 [↩]