The swimmer

Franck Perry

Avec Burt Lancaster (Ned Merrill), Janet Landgard (Julie), Janice Rule (Shirley)

Couleurs - 1968 - DVD

L'intrigue

Ned Merril, la cinquantaine, débarque en maillot de bains dans la riche propriété de ses voisins du Connecticut. Il décide de rejoindre sa maison en passant de piscine en piscine.

  • Burt Lancaster (Ned Merrill) et Janet Landgard (Julie)

  • Burt Lancaster (Ned Merrill) et Janice Rule (Shirley)

  • Burt Lancaster (Ned Merril)

  • Burt Lancaster (Ned Merrill)

  • Janet Landgard (Julie)

  • Burt Lancaster (Ned Merrill) et Janice Rule (Shirley)

  • Burt Lancaster (Ned Merrill),

  • Affiche: The swimmer

  • Affiche: The swimmer

Comment interpréter le délire?

Il est déconseillé de lire cet article avant d’avoir vu le film.

Sorti sur les écrans en 1968, « The swimmer » a été tourné en 1966, moment où le système hollywoodien des studios en crise tente de trouver un second souffle en attirant dans les salles un nouveau public et en faisant appel à de jeunes réalisateurs. « The swimmer », mis en scène par Franck Perry et écrit par sa femme, Eleanor Perry, marque les début de ce que l’on a appelé  le nouvel Hollywood (( Lire le livre discuté, mais riche en informations de Peter Biskind, Le nouvel Hollywood, Paris, Editions du Cherche Midi, Collection Documents, 2002 )), période inventive, inégale et tumultueuse du cinéma américain, qui commence en 1968 avec le « Lauréat » de Mike Nichols et « Cinq pièces faciles » (1970) de Bob Rafelson et s’achève dans les années 80 avec le désastre des « Portes du Paradis » de Michael Cimino (( Interview de Jean Baptiste Thoret  dans « The swimmer », plongeon vers le nouvel Hollywood », un film de Eric Paccoud, compléments au dvd « The swimmer » Editions Wild Side, Coll. Les introuvables )). Burt Lancaster considérait que « The swimmer » lui avait apporté son meilleur rôle au cinéma. Né à New York, Lancaster n’aimait pas nager et il a pris des cours de natation pour les besoins du film. Joanna Lancaster se souvient de l’engagement de son père dans le projet de Perry: « Il nageait merveilleusement bien. Il a vraiment appris pour le film. Je ne pense pas qu’il ait replongé dans une piscine après le film ». (( « Burt Lancaster, a portrait » film de Laurent Bouzereau, supplément au dvd « Les professionnels » de Richard Brooks, Sony pictures.))
« The swimmer » est l’adaptation d’une nouvelle éponyme (1964) de John Cheever, un écrivain américain qui publie dans le New Yorker et décrit les affres existentielles de la classe  moyenne américaine du nord de la côte Est des Etats-Unis.
Le film se réalise avec difficultés. Perry se brouille avec le producteur et quitte le tournage. Sydney Pollack, réalisateur débutant, le remplace au pied levé et tourne la séquence la fin du film où Merril rencontre son ancienne maîtresse. Ce rôle était à l’origine jouée par Barbara Loden dont l’interprétation donnait trop de poids à son personnage d’après Lancaster. Elle a été congédiée et remplacée par Janice Rule.
Le parcours de Merril qui rentre chez lui passant de piscine et piscine prend la forme d’un voyage imaginaire et introspectif. « La progression dans l’espace va de pair avec le retour sur sa propre histoire personnelle et intime ». (( Citation extraite d’une Interview de Jean Baptiste ThoreT  dans « The swimmer, plongeon vers le nouvel Hollywood », un film de Eric Paccoud, supplément au dvd « The Swimmer » Editions Wild Side, Coll. Les introuvables )). Merril rencontre ses voisins, ses amis, ses anciens amours, se blesse et se confronte progressivement au passé qu’il dénie. Le principe narratif de la nouvelle et du scénario repose sur la découverte progressive de l’étrangeté et des incohérences d’un récit à la première personne et se termine par le constat de sa faillite par rapport à la réalité, ce qu’on identifie après coup comme un délire. Les piscines qui se succèdent sont des parenthèses où Merril se ressource et se reconstitue tandis que le spectateur découvre progressivement sa folie.
Le film de Perry est inventif, poétique, onirique, généreux et ouvert. Il jette un regard inhabituel et décalé sur le phénomène du délire.

Documents

Lacan a donné son explication sur le sens à donner au délire tout au long du séminaire III, intitulé « les psychoses » en se basant sur l’étude minutieuse du délire de Schreber. (( Schreber est président de la cour d’appel de Dresde quand, en 1897, il bascule dans la folie à l’age de cinquante ans en conservant intactes des facultés intellectuelles. Entre deux crises, Schreber écrit un livre pour expliquer dans le détail ce qui lui arrive. Son livre est la retranscription minutieuse de son délire. Freud s’est passionné pour cet ouvrage. C’est l’élaboration de Freud que reprend Lacan )). Au cours de la septième séance de ce séminaire sur les psychoses, intitulé par Jaques Alain Miller « La dissolution Imaginaire » (( Jacques Lacan, Le séminaire, livre III, Les psychoses, Paris, Editions du Seuil, Coll, Le champ Freudien, 1981, p 106 )) , Lacan fait un bref commentaire clinique à propos d’une patiente, rencontrée lors de la présentation de malade qui avait lieu à Saint Anne le vendredi.
« Je me suis dérangé ici vendredi dernier pour voir une patiente qui a évidemment un comportement dif­ficile, conflictuel avec son entourage. On me faisait venir en somme pour dire que c’était une psychose et non pas pure­ment et simplement comme il apparaît au premier abord, une névrose obsessionnelle. Je me suis refusé à porter le dia­gnostic de psychose pour une raison décisive, c’est qu’il n’y avait aucune de ces perturbations qui font l’objet de notre étude de cette année et qui sont les troubles de l’ordre du langage. Nous devons exiger pour porter ce dia­gnostic la présence de ces troubles. (C’est la formule générale qui nous per­mettrait tout de même de délimiter une frontière, de saisir une limite: Version Staferla du séminaire). Il ne suffit pas d’une revendication contre les personnages qui sont censés agir contre vous, pour que nous soyons pour autant dans la psychose (et d’entrer dans le conflit revendicatif à l’endroit d’un person­nage du milieu extérieur : Version Staferla). Cela peut être une revendication injustifiée de participer du délire de la présomption, ce n’est pas pour autant une psychose. Ce n’est pas sans rapport avec elle. Il y a un petit délire, car on peut aller jusqu’à l’appeler ainsi. La continuité des phénomènes est bien connue, on a toujours su définir le paranoïaque comme un monsieur susceptible, intolérant, méfiant et en état de conflit verbalisé avec son entourage. Mais pour que nous soyons dans la psychose, il faut qu’il y ait troubles du langage. C’est en tout cas une convention que je vous propose d’adopter provisoirement ».