Pieds nus sur les limaces

Fabienne Berthaud

Avec Diane Kruger (Clara), Ludivine Seigner (Lily), Denis Ménochet (Pierre, le mari de Clara), Brigitte Catillon (Odile, la belle-mère), Jacques Spiesser (Paul, le beau-père), Côme Levin (Paolo, le copain de Lily)

Couleurs - 2010 - DVD

L'intrigue

Lily perd sa mère et continue de vivre dans la maison qu’elle occupait avec elle à la campagne. Mais comment s’organiser ? Lily n’est pas comme les autres, elle est un peu « fofolle », imprévisible et ne mesure pas toujours le danger. Sa sœur, Clara, souhaite qu’on la laisse tranquille, mais Lily supporte mal les contraintes et les règles et suscite de plus en plus l’hostilité de la part des autres. Pour la plupart des personnes de son entourage, Lily est cinglée et doit être enfermée au plus vite. Clara refuse de l’abandonner, elle quitte sa vie rangée pour retrouver sa sœur et vivre avec elle dans la maison de ses parents.

  • Ludivine Seigner (Lily)

  • Diane Kruger (Clara), Ludivine Seigner (Lily)

  • Ludivine Seigner (Lily)

  • Ludivine Seigner (Lily) et sa mère

  • Diane Kruger (Clara), Ludivine Seigner (Lily),

  • Ludivine Seigner (Lily) et le Dindon

  • Ludivine Seigner (Lily)

  • Diane Kruger (Clara), Ludivine Seigner (Lily)

  • Diane Kruger (Clara)

  • Ludivine Seigner (Lily)

  • Diane Kruger (Clara), Ludivine Seigner (Lily) et Denis Ménochet (Pierre, le mari de Clara)

  • Diane Kruger (Clara), Ludivine Seigner (Lily)

  • Pieds nus sur les limaces: Affiche

  • Fabienne Berthaud

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  • Fabienne Berthaud

Pour une autre approche de la folie

Pour écrire « Pied nus sur les limaces », Fabienne Berthaud s’est inspirée de d’histoire d’une jeune femme rencontrée à la clinique psychiatrique de la Chesnaie dans le Loir-et-Cher où elle tournait son premier long métrage : « Francky » (2005). Elle a ensuite réalisé pour le cinéma l’adaptation de ce roman formidable, dont la lecture est indispensable à tous ceux qui se sentent concernés par la folie (( BERTHAUD Fabienne, Pieds nus sur les limaces, Paris, Seuil , 2004 )). Elle s’est entourée d’une solide équipe pour réaliser ce film réjouissant, inventif et original sur la « dinguerie ». Le film doit beaucoup à la rencontre de 5 femmes : Fabienne Berthaud la réalisatrice, Nathalie Durand qui s’est occupée de l’image, Valérie Delis, décoratrice qui a prêté son univers à Lily et Diane Kruger et Ludivine Sagnier qui interprètent magistralement les deux sœurs. « J’ai besoin de liberté pour travailler. Je ne découpe pas, je ne fige rien et je cadre. Si je ne suis pas dans l’œil de la caméra, je ne peux pas ressentir la scène que je suis en train de tourner. Tout passe par là. Le film se fait sur le moment. Lorsque j’aborde une scène, je me mets en état d’alerte, dans l’inconfort, le danger. Je cherche l’imprévu, le miracle, le moment de grâce. Je ne prépare rien mais je sais parfaitement où je vais.(…) Nous ne répétons pratiquement jamais avant. Et je me dis toujours: Raconte ton histoire comme si tu faisais un documentaire sur les gens ». (( Extrait de l’interview de Fabienne Berthaud dans le dossier de presse du film ))
La vision décapante de la folie selon Berthaud tranche avec celle qui a cours habituellement au cinéma ou elle est envisagée sous l’angle du handicap, d’un disfonctionnement par rapport une norme comportementale et sociale ou encore, comme dans la plupart des films américains, sous l’angle exclusif de la psychopathie. Sans doute Lily a des problèmes psychiques et Clara et sa sœur ont sérieusement besoin d’aide, mais il est réjouissant qu’en 2010, il soit encore possible de porter un regard différent sur folie à une époque où les critères statistiques, quantitatifs la psychiatrie contemporaine américaine font loi (( Dès les années cinquante, la psychiatrie américaine a mis en place un système de classement statistique et quantitatif des symptômes psychiques qui s’est progressivement mondialisé (DSM). Cette approche des troubles mentaux qui se veut « non subjective » a pour particularité de ne pas tenir compte de l’étiologie des troubles psychiques (l’étude des causes) et ne retient que ce qui est visible et mesurable. Cette méthode a pour but de rendre obsolète l’approche des troubles psychiques qui prévalait depuis les début de la psychiatrie, approche qui était commune à la psychanalyse, la psychologie et la psychiatrie et qui justement prenait en compte l’origine et la cause des troubles. Cette nouvelle méthode de classement qui est centrée sur la mesure du symptôme, est idéologiquement marquée et satisfait d’abord les intérêts de l’industrie pharmaceutique et des médecins qui en dépendent. )). Les nécessités du passage au cinéma ont fait perdre une bonne part de la complexité du roman, néanmoins Berthaud rend compte d’un aspect souvent ignoré dans les récits faits de la folie faits au cinéma et dans la littérature, celui de la capacité des familles et de l’entourage à supporter la différence. Ce qui ne signifie pas que Lily n’ait pas de problèmes psychiques… Partant du constat qu’il n’est pas possible de « guérir » la psychose, est-ce une raison pour la réduire a un « disfonctionnement » sur la base de l’auscultation de ses symptômes et rester dans l’ignorance de ce qui est à l’origine de ce trouble ? Sans se préoccuper de théorie et de concepts et sans angélisme, Berthaud nous livre son point de vue subjectif et engagé sur la psychose. Impossible d’oublier le personnage de Lily, solaire, vivante, extraordinairement sensible et tragique. Pour Fabienne Berthaud : « Le personnage de Lily repousse les limites de la normalité et nous fait nous interroger sur les solutions de vie possible » (( Extrait de l’interview de Fabienne Berthaud dans le dossier de presse du film )). Bref, l’opposé d’une approche « statistiques et quantitative ».

Documents
Le roman remarquable de Fabienne Berthaud intitulé « Pieds nus sur les limaces » a du être simplifié pour les besoins de l’adaptation au cinéma. Dans le passage qui suit, Clara l’aînée, parle de Lily, sa petite soeur « toquée » et de son père qui s’est pendu avec sa corde au sauter.
« Lily est née dans des circonstance pour le moins troublantes. Le cordon ombilical enroulé autour du cou. Comme papa avec ma corde au sauter. Un signe du destin. Ma mère accoucha par césarienne en toute urgence, afin d’éviter que Lili ne meurt avant d’avoir vécu. Elle s’étranglait. Elle s’asphyxiait. Comme papa. Les médecins disent que c’est à cause de quelques secondes sans oxygénation à ses débuts que Lily est comme elle est. Immature et dangereuse. Impudique et sexuelle. Un peu toquée comme on dit.
J’ai dû me rendre seule à l’enterrement de mon père. Maman se reposait à l’hôpital. La famille du défunt s’est beaucoup mouchée ce jour-là. Pas moi ! Trop de rage. Trop d’émotions à surmonter. Je suis passée du cimetière à la maternité, de la mort à la vie, de papa à Lily aussi vite que j’ai pu. Elle lui ressemble tellement. La même couleur compliqué de ses yeux et cette même façon de rire.
J’ai vite compris le rôle que j’avais à tenir. Lili venait de naître, papa de disparaître, et maman semblait à bout de forces. Je garde en mémoire le visage de cette femme ternie par le chagrin d’avoir perdu son homme. Je me devais de protéger ma sœur contre ces malheurs environnants. J’attendais que maman aille mieux. Cela n’est jamais arrivé. (…) Elle regardait Lili s‘agiter dans son berceau d’un air las sans jamais la prendre dans ses bras. Elle semblait vidée de sa substance. Elle n’avait plus d’amour à nous donner. Plus rien. Jusqu’à son dernier souffle elle n’a pensé qu’à lui et à nous oublier. Lili et moi. Nous étions encombrantes. Trop de papa dans Lili. Trop de bruit pour rien. Trop de gaieté insolente. J’ai protégé ma sœur du mieux que j’ai pu contre ces carences d’amour. J’ai réussi. Elle ne se souvient pas de maman. Quelques bribes de souvenirs par-ci par là.
– Elle est partie la grande dame quoi cousait dans les coins ?
fut sa seul interrogation à son sujet.
– Ana, Elle s’appelle Ana. C’était notre mère.
Lili se met ne rogne quand je dis « notre mère.
– C’est toi ma mère ! Et cette dame c’est la tienne ! Tu mélanges tout ! »
(( BERTHAUD Fabienne, Pieds nus sur les limaces, Paris, Seuil , 2004 ))

Ajout du 13 décembre 2020

Cet article fait suite de la projection/débat du jeudi 16 mai 2019 au Moustier à Thorigny, discussion animée par Anne Chevais, médecin et auteure dramatique à Thorigny et Georgy Katzarov psychanalyste à Paris.

La majorité des films de fiction qui montre la folie la présente comme un désordre, un dysfonctionnement, une maladie, un handicap ou encore, ce qui est le cas pour une bonne partie des fictions américaine, une psychopathie (le fou est un psychopathe). Le film de Fabienne Berthaud détonne et montre la folie sous un jour différent, original et poétique. Sans céder entièrement aux conceptions de l’antipsychiatrie et à ses théories très en vogue dans les années soixante-dix qui envisageaient la folie comme un état de félicité, une possibilité de jouissance que nous autres, pauvres névrosés, emmurés dans nos empêchements, nos contraintes et aliénés par les conventions et la norme, étions incapables d’atteindre, Fabienne Berthaud conduit son film à la limite et sur le fil. Elle montre Lily un peu folle, mais pas trop et la décrit comme un être singulier épris de liberté qui vit sa vie d’une manière plus créative et apparemment moins contrainte que ceux de son entourage. La réalisatrice ne nous dissimule pas pour autant les obstacles auxquels Lily se heurte et qui constituent la réalité de notre monde, imparfait sans doute, mais bien présent.
La psychose existe, n’en déplaise à ceux qui ont décidé de l’ignorer et qui tente de construire une nouvelle psychopathologie basée sur des étiquettes simplistes qui s’en tiennent aux apparences et dont l’intérêt principale est d’être compatible avec l’économie libérale. Seule la psychopathologie dite classique permet de se repérer dans ce qui est en jeu pour Lily et à sa sœur.
Katzarov au ciné/débat de Thorigny, faisait remarquer que Lily était sujette à une sorte de psychose infantile modérée, domestiquée par une mère bienveillante, mais ferme, dont le talent est d’avoir su créer un environnement adapté pour sa fille afin de la contenir et de lui rendre une existence possible. Elle a su faire avec sa singularité comme le montre la première scène du film : La mère de Lily au volante de sa voiture trouve sa fille allongée en travers de la route déguisée en lapin. Elle s’écrie : « Maintenant que tu as fait le lapin mort, fais le lapin qui court et laisse-moi
allez faire les courses… ». Le décès brutal de cette mère change la donne.
Lily a vécu des drames et a subi des traumatismes (selon l’expression actuelle), mais elle a conservé son appétit et son goût de vivre. Elle n’a pas été « cassée par la vie » et Lilly n’est pas de ces psychotiques diminués, entravés, « apragmatiques » pour qui les gestes et les actions de la vie quotidienne se révèlent impossible, (arriver à l’heure à un rendez-vous, s’habiller le matin, prendre du temps et se concentrer pour effectuer une tâche, etc.). Lilly est active, elle « travaille », elle est sans cesse occupée quand bien même le registre de ses activités n’est pas de l’ordre de l’utile, (mettre du vernis à ongle sur les pattes de son dindon, ranger des petits pois en pile à côté de son assiette, fabriquer un slip en fourrure, disposer les couverts en étoile sur une table ou encore empailler une taupe).
L’équilibre est rompu après le décès de sa mère et ce qui était contenu et canalisé trouve une expression nouvelle, différente. Un des premiers effets de ce changement est son rapport à la nourriture : Lily littéralement se met à dévorer tous ce qui lui tombe sous la main. Marcel Czermak, qui comme la réalisatrice du film, refuse caractériser la psychose par un déficit, un dysfonctionnement ou une tare, il utilise une expression qui convient parfaitement pour qualifier le nouvel état de Lily à la suite du décès de sa mère : elle « entre dans un moment fécond ».
Lily ne respecte pas les codes de la bienséance et de la politesse, elle montre à sa sœur qu’elle s’ennuie avec son mari et qu’elle s’est mariée par conformisme, elle montre au beau-père de sa sœur qu’il n’aime pas sa femme et à la voisine que son fils la déteste. Lilly tape juste et n’hésite pas à « dire », d’autant que ça lui coûte peu. C’est une des caractéristiques des psychotiques, cette capacité de repérer chez son interlocuteur une vérité que celui-ci prend soin de voiler ou de cacher et qu’il met au jour et révèle provoquant la surprise, la stupeur, la colère ou le rire dans le meilleur des cas. Lily a recours à une logique imparable, qui n’appelle aucun doute et aucune contradiction : quand Clara surprend et interrompt sa sœur qui fait l’amour avec plusieurs garçons. Lily lui répond en guise de justification : « Si j’ai un corps, c’est pour l’utiliser ». Que répondre à une telle affirmation ?
Depuis le suicide de son père, Lily récupère et collectionne des objets bien particuliers : des cadavres, de la fourrure, de la peau, des restes, des déchets : objets entre la vie et la mort, objets « réels », hors langage, hors sens, qui lui permette de manipuler l’indicible.
On ne connaît rien de la vie de la sœur ânée de Lily, Clara, on peut supposer qu’après le suicide de son père et pour s’éloigner d’une soeur folle, Clara a fui sa famille pour devenir une épouse appliquée et pathologiquement normale. Le décès de sa mère la libère de ce poids, elle peut enfin jouer à devenir la mère et profiter de quelques instants de liberté et d’invention avec sa sœur. Le film se termine sur un moment poétique, joyeux et suspendu, après une première échappée belle, espérons que les réalités de notre monde ne mettent pas en péril le fragile équilibre entre les deux sœurs.

Texte écrit par Anne Chevaisà propos de Pieds nus sur les limaces , médecin et auteure dramatique:

Lily a une fraîcheur absolument délicieuse. J’aime beaucoup son rire contagieux et sa fantaisie. Elle représente une part de nous même très primitive et très libre. Elle représente ce qu’on aimerait pouvoir faire mais qu’on ne se permet pas. Elle se goinfre de gâteaux parce qu’elle refuse d’intégrer pas les normes esthétiques du corps féminin. Elle ose dire tout fort ce que tout le monde pense tout bas, elle est très provocatrice et on la
laisse faire en raison de l’intense poésie qu’elle dégage. Elle peut tuer un chien parce qu’elle en a envie, tenter de violer un garçon, faire un scandale à cause d’un chien en liberté : elle est hors norme et pas toujours facile à vivre.
Elle est très enfantine : elle adore les sucreries qu’elle mange en faisant beaucoup de bruit, elle suce son pouce, aime les histoires de bébé et les jouets dans le bain, elle est vêtue d’une barboteuse et d’une robe de gamine. Elle est néanmoins d’une grande intelligence. Elle sait lire, compter, conduire, faire la cuisine et vivre seule vingt heures par jour. Elle peut décrypter avec un langage précis les interdits parentaux que Clara a
intériorisés, ce qui est pour le moins paradoxal.
Elle a un rapport difficile à la temporalité, elle a des réactions émotionnelles inadaptées, et dès qu’elle quitte la maison et la nature qui l’environne elle se retrouve dans l’errance et ou l’agressivité vis à vis des autres ou d’elle-même. Dans ces moments là elle n’a pas la possibilité de prendre du recul, et elle réagit dans l’immédiateté de ses émotions qui la
traversent (elle gifle une vendeuse ou traverse l’autoroute à pied).
En dehors des crises elle est d’une créativité débridée. Elle prépare soigneusement les cadavres des animaux, elle anticipe, elle met du temps à créer des œuvres complexes.
Son univers parle beaucoup de la mort et de l’enfance, cette activité très élaborée lui permet de mettre à distance les événements dramatiques qui ont traversé sa vie. Une des pièces importante de sa collection est un grand nounours pendu par le cou qui symbolise la mort par pendaison de son père.
Clara n’est pas si stricte que cela. Le décès de sa mère qui s’occupait de Lily bouleverse sa vie. Elle est mariée à un homme attentionné qui supporte sans trop de peine les caprices de Lily. Clara prend alors la place de sa mère en portant ses robes, en dormant dans sa chambre en faisant des confitures comme sa mère en faisait pour s’occuper de sœur qu’elle aime. Elle est très spontanée et peu dérangée par les lubies de sa sœur. Elle apprécie ses plaisanteries elle sait calmer sa sœur et est très voire trop tolérante. Elle
accepte que sa sœur mette des cadavres d’animaux dans le congélateur, qu’un dindon apprivoisé se promène dans la maison, ne réagit pas quand sa sœur s’installe dans un placard pour écouter ses ébats sexuels. Quand elle découvre le cadavre du chien sous le
lit de Lily le couple est d’accord pour ne pas intervenir de peur de déclencher une crise. Clara est celle qui n’a jamais voulu contrarier personne, qui est dans le consensus quoi qu’il arrive.
Lily lui pointe qu’elle a fait du droit pour faire plaisir à leur père et qu’elle n’est plus amoureuse de son mari. Est-ce ce qui va servir de catalyseur à Clara pour abandonner
son métier et son mari, ou la brève rencontre amoureuse avec un vagabond amené par Lily ? La sexualité est par essence subversive et incontrôlable, et Clara se laisse enfin aller, dans les vapeurs d’alcool et de cannabis.
Lily lui signale aussi qu’elle est un fardeau en raison de sa maladie. Clara réalise qu’elle a envie de tuer sa sœur, mais elle ne sort pas de cette impasse et persiste dans son devoir fraternel et mortifère. Au lieu d’une libération, elle garde ses jupes d’été pudiques, elle achète un camion pour vendre avec sa sœur des pantoufles et des confitures, quoi de plus « pantouflard ? ».
La dernière image du film est une prison dans les herbes en forme
de cœur dans lequel sont allongées Clara et Lily qui semblent mortes.
La nature est très présente dans ce film, les paysages visuels et sonores de l’été sont idylliques. Le soleil dans les cheveux blonds est une image récurrente. On ressent presque physiquement le contact avec la terre, les feuilles, les arbres, les cailloux, ou l’eau d’un ruisseau. Lily a un rapport très puissant à la nature, et on voit comme cela l’apaise. Ce qui l’apaise aussi et lui permet une mise à distance de ses problèmes c’est l’humour « Clara a fait du droit et moi j’ai fait médecine, du côté des malades » et elle est
capable de poser sur sa tête une perruque de pieuvre morte.
Lily est souvent victime des jugements des étrangers en raison de sa maladie mentale. C’est un thème qui court tout le long du film. Lily est provocatrice et anticonformiste c’est un peu normal quelle soit jugée et rejetée. Elle a des réactions émotionnelles souvent inadaptées, elle fait ce qu’elle sent sans filtre, sans prendre le temps sans prise de recul,
sans regard critique sur les choses, sans intégration psychique, à savoir le temps nécessaire pour «digérer».
Pour les personnes qui ne savent pas ce que c’est que la maladie mentale c’est très dérangeant . Ces malades mettent mal à l’aise sans savoir pourquoi, on les trouve très bizarres. On peut se sentir déstabilisé et impuissant, voire culpabilisé. Les troubles sont variables dans le temps, les crises plus ou moins longues et plus ou moins graves. Ces malades sont traversés par des angoisses extrêmement intenses et ils utilisent des
moyens inhabituels pour les supporter. Cela peut aller du délire très construit à la consommation de drogues ou d’alcool. Certains médicaments peuvent les aider, mais c’est surtout important de les écouter et de les accompagner dans leur cheminement, sans les juger.
On a tous envie de pouvoir faire ou dire ce qu’on veut n’importe quand mais ça n’est pourtant pas possible. Fabienne Berthaud dit qu’elle a construit le personnage de Lily comme une allégorie de la liberté qui permet de sortir d’un carcan bourgeois et d’accéder à la liberté intérieure. Je ne suis pas du tout convaincue qu’elle ait réussi à le faire. Elle a
bien décrit un personnage excentrique et perturbé, sympathique mais qui sait manipuler son monde, un personnage charmant plein d’ambivalence, mais qui n’a pas cette magielà. Lily dégage surtout la magie de la créativité dont manque un peu Clara qui reste si souvent silencieuse. Ce qui est sûr c’est que le fou, qui refuse de se couler dans le moule, met en question le monde dans lequel il vit et nous met nous même en question en faisant basculer le concept de normalité. Il nous invite à inventer, pour nous même et au jour le jour, des formes de vie plus conformes à nos désirs.