Le voleur

Louis Malle

Avec Jean-Paul Belmondo (Georges Randal), Marie Dubois (Geneviève), Geneviève Bujold (Charlotte), François Fabian (Ida), Bernadette Lafont (Marguerite), Marlène Jobert (Brousaille), Julien Guiomar (L’abbé La Margelle), Charles Denner (Cannonier)

Couleurs - 1967 - DVD

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L'intrigue

Après la mort de ses parents, Georges Randal est élevé par son oncle qui, à sa majorité, lui vole sa fortune. Georges Randal devient voleur par dépit et choisit de le rester.

  • Jean-Paul Belmondo (Georges Randal) et Geneviève Bujold (Charlotte)

  • Jean-Paul Belmondo (Georges Randal) et Geneviève Bujold (Charlotte)

  • Jean-Paul Belmondo (Georges Randal) et Charles Denner (Cannonier)

  • Bernadette Lafont (Marguerite), et Jean-Paul Belmondo (Georges Randal)

  • Jean-Paul Belmondo (Georges Randal) et Geneviève Bujold (Charlotte)

  • Jean-Paul Belmondo (Georges Randal) et Marlène Jobert (Brousaille)

  • Jean-Paul Belmondo (Georges Randal) et Paul Le Person (Roger la honte)

  • Jean-Paul Belmondo (Georges Randal) et Julien Guiomar (L’abée La Margelle)

  • Louis Malle

  • Affiche du fim: "Le Voleur" 2

  • Affiche du film: La voleur

  • Portrait de Georges Darien

  • Couverture du recueil de romans de Darien

  • Couverture du Roman de Darien

L’amour de l’argent et la haine du bourgeois

Avant d’être un film de Louis Malle, « Le voleur » est un roman écrit par Georges Darien publié en 1897. Georges Darien est un écrivain et un sympathisant anarchiste qui n’eut aucun succès de son vivant. C’est aussi un homme de théâtre boudé par le public et un politicien raté. Il est mort en 1921 à Paris, ignoré de tous. Ses livres, appréciés par un cercle restreint de connaisseurs dont Alfred Jarry, Alphonse Allais et André Breton, étaient devenus introuvables jusqu’à ce que Jean-Jacques Pauvert ne les réédite à partir de 1955. Darien n’est pas un styliste, mais ses romans possèdent une hargne et une férocité réjouissante. Ils témoignent de sa volonté incessante de défier la loi et l’ordre, d’une haine du bourgeois et d’un anticonformisme d’une violence rarement égalée. Pour Randal, le héros du roman, l’effraction s’apparente au rituel de l’acte sexuel et le vol devient une transgression nécessaire. Darien : « Le voleur, c’est l’Atlas qui porte le monde moderne sur ses épaules. Appelez-le comme vous voudrez : banquier véreux, chevalier d’industrie, accapareur, concussionnaire, cambrioleur, faussaire, escroc, c’est lui qui maintient le globe en équilibre ; c’est lui qui s’oppose à ce que la terre devienne définitivement un grand bagne dont les forçats seraient les serfs du travail et dont les gardes-chiourmes seraient les usuriers. Le voleur seul sait vivre ; les autres végètent. (…) Il agit, les autres fonctionnent ». (( DARIEN, Georges, Extrait du recueil de romans de Darien intitulé : Voleur !, Presse de la cité, Coll. Omnibus, 1994, page 367 )).
Louis Malle se passionne pour le roman et réalise « Le voleur » avec des moyens importants. Jean-Claude Carrière et Louis Malle en signent l’adaptation. « Le Voleur » est un film faussement facile. Il a l’apparence d’un film à costume, une forme classique, mais il se laisse difficilement approcher et nécessite d’être vu et revu. Si Randal a l’allure d’Arsène Lupin, il se comporte comme les héros des romans d’Octave Mirbeau. Il est solide et « froid comme une lame » (( C’est ce que dit de lui Cannonier, le voleur interprété par Charles Denner )). Pour Louis Malle, le film est « comme une série de Flash-back, avec quelques retours au présent tandis que Randal procède au saccage systématique de la maison. C’est comme une nuit d’amour, de violence sexuelle et de débauche, pendant qu’il enfourne les objets dans des sacs et qu’il découpe, brutalement et salement des peintures au rasoir, ne laissant que les cadres. Et à la fin, on le voit à l’aube, dans un village en dehors de Paris, emporter son butin et monter dans le train… Il y a chez lui un vrai désespoir » (( FRENCH Philipp, Conversations avec Louis Malle, Paris, Edition Denoël, 1993, pages 77 et 79 )). Louis Malle s’identifie au personnage de Randal : « Après dix ans de ce métier, je voyais le livre comme une métaphore de ce qui s’était passé pour moi. Je ne pouvais m’empêcher de comparer Randal le voleur et Malle le cinéaste. Nous venions tous les deux d’un milieu aisé, conventionnel, nous avions rompu avec lui par la révolte, la colère, le désir de se venger et de le détruire. Ensuite, bien sûr il y a eu une existence aventureuse et romantique, des femmes, le succès et l’argent. La société qu’on a rejetée vous acclame et vous vous retrouvez à votre point de départ. L’ironie du film, c’est qu’a la fin Randal a tout. Il s’est vengé. Il a épousé sa cousine, il habite la maison de son oncle, il a récupéré l’argent qui lui a été volé, plus celui qu’il a volé aux autres. Dans l’une des dernière scènes, sa cousine lui dit : « Mais tu n’as plus besoin de voler » et il répond : « Tu ne comprends pas ». Il est obligé de continuer, tout en sachant qu’il finira par se faire prendre. D’une manière pessimiste et désespéré, il veut être fidèle à sa jeunesse, il est pris au piège, il est intoxiqué, il doit continuer » (( FRENCH Philipp, Conversations avec Louis Malle, Paris, Edition Denoël, 1993, pages 76 et 77 )).
Le film est un échec commercial et les critiques ont été sévères, pourtant Louis Malle considère « Le voleur » comme l’une de ses plus belles réussites. C’est un des plus beaux rôles de Belmondo. Marie Dubois n’a jamais été aussi séduisante. « Le Voleur » de Louis Malle possède le charme froid et étrange du spectacle raffiné et rare de la perversion en action.

Document

La perversion, puisque c’est ce dont il s’agit dans le roman de Darien et film de Louis Malle, est un sujet suffisamment difficile et problématique pour qu’on l’aborde avec prudence, en évitant de réduire ce qui est en jeu à son élaboration théorique et imaginaire. Je vous propose trois extraits de textes, qui ne cherchent pas à répondre à la question de ce qu’est la perversion, mais laisse entrevoir un abord possible, celui d’un rapport étroit entre la loi, la transgression et la jouissance.

Retranscription d’un extrait des dialogues du film :
Randal vient d’assister à une exécution à la guillotine sur une place publique. Il en rend compte à l’abbé La Margelle.
– Randal : Quelle horreur l’abbé…
– L’abbé : C’est la règle du jeu.
– Randal : Et vous pouvez le supporter ? Parfois j’ai envie de tout faire sauter… Tout… Au lieu de donner des coups d’épingles.
– L’abbé : Mais si nous ne prenions pas le monde tel qu’il est, où serait notre place ? Détruire la propriété ? Vous voulez scier la branche sur laquelle vous êtes assis.
– Randal : C’est bien ce qui me dérange.
– L’abbé : Vous n’êtes pas le seul.

Michel Surya écrit à propos de Georges Bataille :
« Bataille a très tôt éprouvé quelle importance était celle de l’interdit, celle du tabou. Jamais il n’a souhaité qu’on les reversât ou les abolît, jamais que leur empire fût moindre. Il faudrait pour comprendre exactement quelle pouvait être sa position, imaginer qu’il pût être prêt à les défendre, ne fût-ce que pour qu’on ne lui retira pas la possibilité de seul les transgresser (jamais il ne variera sur ce sujet. Les limites viendraient elles à manquer que s’évanouirait la possibilité – souveraine – offerte à un seul, avec quelque uns, d’en faire l’expérience). Une deuxième raison justifie sa position, il est un débauché, aucunement un libertin : « dès cette époque il n’y avait pour moi aucun doute : Je n’aimais pas ce qu’on appelle « les plaisirs de la chair » parce qu’en effet, il sont toujours fades : je n’aimais que ce qui est classé comme « sale ». Je n’étais même pas satisfait, au contraire, par la débauche habituelle, parce qu’elle salit uniquement la débauche, et laisse intact d’une façon ou d’une autre quelque chose d’élevé et de parfaitement pur. La débauche que je connais souille non seulement mon corps et mes pensées, mais tout ce que je peux concevoir devant elle, c’est-à-dire le grand univers étoilé qui ne joue qu’un rôle de décor ». Ces lignes extraites d’Histoire de l’œil disent sans équivoque quelle est la pensée « érotique » de Bataille en 1928 et quelle clé est celle de ce récit, seule est assez sale la mort, elle dit seule la vérité des corps débauchés, de leur désir : Il est désespéré » ((Michel SURYA, Georges Bataille, la mort à l’oeuvre, Gallimard, Coll. Tel Gallimard Hachette Littératures, Paris, 1992, page 128, j’ai modifier la dernière phrase)).

Louis Malle donne son point de vue d’auteur à la suite de la sortie de son film Lacombe Lucien en 1976 : « Je suis exactement le contraire d’un moraliste, l’idée qu’on puisse partager le monde entre le bien et le mal est une idée qui m’indigne. Non seulement qui m’indigne, mais que je trouve dangereuse, fasciste, inutile et stupide. Au contraire dans la plupart de mes films, j’ai essayé de montrer des situations ou les notions de bien et de mal étaient prisent à contre pied. Et dans la plupart des moments graves de l’existence, ces notions sont complétement « irrelevantes ». (Mot d’origine espagnol qui signifie banal, sans importance.) Elles n’ont pas de raison d’être. C’est peut être en cela que je suis un moraliste contre la morale, sur ce plan là, je suis très rigoureux ». (( Louis Malle : interview dans « Spécial cinéma » émission de la RTS (Radio télévision suisse) – 1976 – Extrait proposé par Daniel Albin dans son documentaire sur Louis Malle « Il est une fois… Lacombe Lucien » 53 minutes dans la collection « un film et son époque »
http://pluzz.francetv.fr/videos/un_film_et_son_epoque.html )).