Le chat

Pierre Granier-Deffere

Avec Simone Signoret (Clémence Bouin), Jean Gabin (Julien Bouin)

Couleurs - 1971 - DVD

L'intrigue

Clémence et Julien Bouin, un couple de retraités sans enfants, habitent un pavillon à Courbevoie au moment de la création du quartier de la Défense. Clémence et Julien ne se supportent plus. Ils sont incapables de se passer l’un de l’autre et de vivre séparément. Leur vie se ramène à un face à face fielleux et étouffant. Tout bascule quand Julien recueille un chat…

  • Simone Signoret (Clémence Bouin)

  • Jean Gabin (Julien Bouin) et le chat

  • Simone Signoret (Clémence Bouin) et Jean Gabin (Julien Bouin)

  • Simone Signoret (Clémence Bouin)

  • Jean Gabin (Julien Bouin)

  • Nicole Cordy (Nelly) et Jean Gabin (Julien Bouin)

  • Jean Gabin (Julien Bouin)

  • Simone Signoret (Clémence Bouin) et Jean Gabin (Julien Bouin)

  • Affiche Le chat

  • Affiche Le chat

  • Pierre Granier Deferre

  • Pierre Granier Deferre

  • Georges Simenon

La vie et sa fin

Le film « Le chat » est l’adaptation d’un roman éponyme de Georges Simenon publié en 1967 (( GEORGES SIMENON, Le chat, Paris, Presses pocket, 1967 )). Le scénario coécrit par Pascal Jardin et Granier-Deferre diffère sensiblement du roman. Simenon s’est inspiré du mariage tardif de sa mère et de son beau-père et raconte la vie quotidienne de deux veufs qui partagent leur vieillesse, alors que le film décrit la vie quotidienne d’un vieux couple. La différence sociale entre les personnages a été gommée. Dans le livre de Simenon, Clémence est une riche bourgeoise avare qui héberge et vit avec un de ses voisins alors que dans le film, elle est une ancienne trapéziste de cirque qui a épousé dans sa jeunesse un ouvrier typographe. (( Voir l’interview de Simenon à la sortie de son roman : Le Chat, sur : http://www.ina.fr/video/CAF97037763 ))
« Plus encore que les cruautés et l’usure de l’amour, la vieillesse est le vrai sujet du film » (( JACQUES LOURCELLES, Dictionnaire du cinéma, Paris, Robert Laffont, 1992, page 262 et 263 )). Granier-Deferre décrit l’envers du monde qui nous occupe quotidiennement. Celui que l’on évite de regarder en face, qui peuple nos hôpitaux et que l’on croise parfois au détour d’une rue dans le regard d’un vieillard. « Le chat » est le récit du glissement progressif hors de la vie, ultime régression avant la mort. Granier-Deferre ausculte cette période de la vie pendant laquelle le lien au monde se dénoue. L’existence se réduit à un face à face mortifère avec l’autre, peuplé par l’ennui, le désoeuvrement et le repli sur soi. L’existence  se rétrécit au rituel du repas, au déplacement pour faire ses courses et à l’auscultation du corps qui se délabre tandis que ressurgissent les pulsions partielles qui rappellent les premiers âges de la vie. Les rapports entre Julien et Clémence ont le caractère compulsifs, répétitifs, autodestructeurs sur fond d’agressivité et sans issue, voire même démoniaques qui caractérise le concept ardu et toujours discuté de « pulsion de mort » défini par Freud dans sa deuxième topique (1920). (( D’après Laplanche et Pontalis dans le Vocabulaire de la psychanalyse, il s’agit de ces pulsions qui « tendent à la réduction complète des pulsions, c’est a dire à ramener l’être vivant à l‘état inorganique ». Le concept de « pulsion de mort » ne peut se concevoir que dans l’opposition à son jumeau « la pulsion de vie ». « La pulsion de mort » est cette force nécessaire et indispensable qui s’oppose et donne sa réalité à la « pulsion de vie » et qui rend la vie (et donc la mort) possible )).
Un passage particulièrement significatif du livre et du film concerne les échanges entre les deux personnages du couple qui cessent de se parler et ne communiquent plus que par des petits messages écrits. Ils renoncent à la parole pour échanger les mots « chat » et « perroquet « , griffonnés à la hâte sur des bouts de papier qu’ils se lancent mutuellement à la figure. Cette ultime régression de l’échange peut être lu comme la conséquence d’un « désapprentissage » de la parole.

Documents

Lacan, dans le deuxième de ses séminaires sur « le moi », définit ce que Freud entend par « pulsion de mort ». Ce concept ne doit pas être confondu avec un « désir de mort » ou « l’agressivité ». La question posée par Lacan est la suivante : En quoi la pulsion de mort diffère-t-elle du principe de plaisir (principe d’homéostase), concept de base du fonctionnement de l’activité psychique qui a pour but d’éviter le déplaisir et qui tend a réduire à zéro la tension dans le système psychique. Si le principe de plaisir trouve son équivalence dans le principe d’homéostase, la « pulsion de mort » correspond au second principe de la thermodynamique ou principe d’entropie. (( Sur l’entropie lire l’article sur le site de l’Encyclopédie de L’agora: http://agora.qc.ca/dossiers/Entropie ))

« On peut considérer qu’avec la mort, toutes les tensions sont ramenées, du point de vue de l’être vivant, à zéro. Mais on peut prendre en considération les processus de la décomposition qui suivent la mort. On en arrive à définir la fin du principe de plaisir par la dissolution complète du cadavre. Il y a là quelque chose dont on ne peut pas ne pas voir le caractère abusif. (…) C’est confondre le principe de plaisir avec ce que l’on croit que Freud nous a désigné sous le nom d’instinct de mort. Je dis ce qu’on croit, parce quand Freud parle de l’instinct de mort, il désigne quelque chose de moins absurde, moins anti-biologique, anti-scientifique.
Il y a quelque chose qui est distinct du principe de plaisir et qui tend à ramener tout l’animé à l’inanimé – c’est ainsi que Freud s’exprime. Que veut-il dire par là ? Qu’est-ce qui le force à penser à ça ? Ce n’est pas la mort des êtres vivants. C’est le vécu humain, l’échange humain, l’intersubjectivité. Il y a quelque chose dans ce qu’il observe de l’homme qui le contraint à sortir des limites de la vie.
Il y a sans doute un principe qui ramène la libido à la mort, mais il ne l’y ramène par n’importe comment. S’il l’y ramenait par les voies les plus courtes, le problème serait résolu. Mais il y ramène par les voies de la vie, justement.
C’est derrière cette nécessité de l’être vivant de passer par les chemins de la vie – et ça ne peux passer que par là – que le principe qui le ramène à la mort, est repéré. Il ne peut pas aller à la mort par n’importe quel chemin.
En d’autre terme, la machine se maintient, dessine une certaine courbe, une certaine persistance. Et c’est par la voie de cette subsistance que quelque chose d’autre se manifeste, soutenu par cette existence qui lui indique son passage » (( JACQUES LACAN, Le séminaire, livre II, « Le moi dans le théorie de Freud et dans la technique de la psychanalyse », Paris, Editions du Seuil, Col. Le champ freudien, 1978, pages 102 et 103 ))