Infidèle

Liv Ullmann

Avec Avec Lena Endre (Marianne), Erland Josephson (Bergman), Krister Henriksson (David, le metteur en scène, l’amant), Thomas Hanson (Markus, Le mari), Michelle Gylemo (Isabelle, la fille)

Couleurs - 2000 - DVD

L'intrigue

Un metteur en scène âgé (Bergman interprété par son ami et acteur Erland Josephson) convoque dans son bureau, Marianne, une comédienne qu’il a connue et lui demande de faire le récit de l’aventure qu’ils ont vécue ensemble et qui a ravagé la vie de leurs proches. Bergman vieillissant se penche sur son passé et le fait revivre.

  • Lena Endre (Marianne)

  • Lena Endre (Marianne) et Michelle Gylemo (Isabelle)

  • Erland Josephson (Bergman) et Lena Endre (Marianne)

  • Erland Josephson (Bergman)

  • Krister Henriksson (David) et Lena Endre (Marianne)

  • Léna Endre (Marianne) et Erland Josephson (Bergman)

  • Jacquette dvd: Infidèle

  • Affiche: Infidèle

L’ultime Bergman, sans Bergman

D’après Bergman, « Infidèle » est inspiré d’une histoire vécue qui « faisait terriblement souffrir tous ceux qui étaient impliqués ». (( Interview de Bergman – les suppléments – dvd « La flûte enchantée », collection les films de ma vie. )) Il n’a pas souhaité mettre en scène lui-même ce scénario dont il a confié la réalisation à Liv Ullmann, son actrice fétiche. Le « scénariste » Bergman a néanmoins été très attentif à la mise en place du projet puisqu’il confie que c’est lui qui a pensé à Lena Endre pour le rôle de Marianne (( Interview de Bergman – les suppléments – dvd, « La flûte enchantée », collection les films de ma vie. )) « Infidèle » est un film bilan ou un film testament qui fut tourné juste avant « Sarabande ».

Le film commence par une citation de Botho Strauss, auteur dramatique allemand contemporain : « Aucun échec ordinaire comme une maladie, un échec financier, professionnel ne résonne aussi cruellement dans l’inconscient qu’un divorce. Le divorce touche directement à l’origine de l’angoisse et la ravive. C’est la plus profonde blessure que la vie nous inflige ».

Pourquoi Bergman éprouve le besoin de citer ce texte pour le moins définitif et abrupt, lui qui a été marié cinq fois, a divorcé quatre fois et a eu neuf enfants de cinq femmes différentes ? Comment comprendre cette citation à une époque où un sur deux se termine par un divorce ? Est-ce une nouvelle provocation ? A l’heure du bilan, Bergman serait-il saisi d’un remords soudain ? Serait-il saisi par une sorte de raidissement moral ?

« Infidèle » raconte l’histoire d’un amour passionné, romantique, dramatique entre une actrice et un metteur en scène de théâtre. Le dispositif narratif est complexe : Bergman vieillissant, (joué par le comédien Erland Josephson) est seul, assis devant son bureau. Il ouvre un tiroir et regarde le portrait d’Isabelle, la fille de Marianne. C’est ce geste qui déclenche le processus narratif. Marianne apparaît alors en face de Bergman qui lui demande de raconter l’histoire d’amour qu’elle a vécue autrefois avec David. Ce premier récit, narcissique, infatué, obscène et pour tout dire convenu, occupe toute la scène. Il en cache un second, plus discret, fragile et presque muet qui se déroule au second plan, littéralement : « dans les coulisses ». Il s’agit de l’histoire d’Isabelle, la fille de Marianne et de son mari Markus. On saura peu de chose sur elle, mis à part qu’elle a 9 ans et qu’elle aime sa mère et son père. Isabelle est présente dans les nombreux flash-back qui structurent le récit, elle passe de bras et bras dans les scènes de famille entre David, Markus et Marianne, elle est la spectatrice muette des disputes entre sa mère et son amant. C’est enfin elle qui apparaît à coté du visage de Marianne qui s’interroge et répète en larmes: « Qu’est-ce que j’ai fait à Isabelle ? »

Ce que semble découvrir Marianne à cet instant avec effroi et sidération, c’est que sa fille est bien le quatrième partenaire de ce drame, mais qu’elle ne joue pas au même jeu que le mari, la femme et l’amant. Marianne découvre avec effroi que sa fille n’est pas un adulte en miniature.

Le monde intelligible qui est le nôtre, celui dans lequel nous baignons et que nous considérons comme notre univers commun à nous autres, adultes raisonnables, est au sens propre du terme, inconcevable à l’enfant. La révélation et l’exploration des différences entre le monde des adultes et celui de l’enfance est une des découvertes les plus sidérantes et les plus fécondes de la psychanalyse.

Bergman a fui la vie bourgeoise, il fait le choix du théâtre, comme David dans Infidèle ou Alberti dans La nuit des forains, il assume ce choix et en paie le prix fort. Bergman, le réalisateur, prête l’amant et le seul survivant de cette tragédie amoureuse ce terrible aveu : « J’aimerais être condamné à une peine qui efface toute culpabilité. Je crois que je purge encore ma peine. Je suis condamné à perpétuité et je ne serai jamais gracié, puisque Marianne est partie… »

Bergman confie la réalisation de cette œuvre testamentaire à une comédienne qui a beaucoup compté dans sa vie et sa carrière, Liv Ullmann, qui est aussi la mère de sa propre fille, née en 1966, mais qui ne porte pas son nom, la romancière norvégienne, Linn Ullmann.

Lire la critique documentée de « Infidèle » de Christine Fillette sur le site de Cinépage :

http://biozlab.com/CINEPAGE/upload/documents/pdfs/Infidele.pdf