Boys don’t cry

Kimberly Peirce

Avec Hilary Swank (Brandon), Chloë Sevigny (Lana), Peter Sargaard (John)

Couleurs - 1999 - DVD

L'intrigue

Teena Brandon est un individu de sexe féminin (femelle) qui ne se sent en accord avec lui-même, que quand il est habillé et se comporte comme un garçon. Il est poursuivi et menacé par les frères et les petits copains des filles qu’il drague et décide de déménager. Brandon atterrit à Falls City, une ville perdue du Sud des Etats-Unis où il intègre une famille de marginaux. Il est regardé comme un garçon et adopté par John, l’hétéro dominant de la famille. Mais Brandon tombe amoureux de Lana, la fille que convoite John, qui n’est pas indifférente à son charme ambigu.

  • Peter Sargaard (John) et Hilary Swank (Brandon)

  • Chloë Sevigny (Lana) et Hilary Swank (Brandon)

  • Hilary Swank (Brandon)

  • Hilary Swank (Brandon) et Chloë Sevigny (Lana)

  • Hilary Swank (Brandon),

  • Hilary Swank (Brandon)

  • Hilary Swank (Brandon)

  • La vraie Brandon Teena

  • Affiche: Boys dont' cry

  • Kimberly Peirce

  • Kimberly Peirce

La dénonciation d’un crime contre un transsexuel

A la fin des années quatre-vingt-dix, de nouveaux réalisateurs et producteurs s’imposent dans le cinéma américain et inventent une nouvelle manière de faire des films qui se différencie par son style plus direct, plus vif et consommable, mais aussi par les thèmes et les sujets abordés. Ils jettent un regard différent sur la sexualité. Pendant cette période, on montre autrement les homosexuels et les lesbiennes, mais on s’intéresse aussi à des pratiques sexuelles différentes. La transsexualité et le travestisme deviennent à leur tour un sujet. « Boys don’t cry », produit par Christine Vachon, (( Christine Vachon est la productrice de « Kids » (1995) et des films de Todds Haynes dont « Loin du paradis » (2003), de Todd Solondz dont « Happiness » (1999) et de Mark Romanek «  Photo obsession » (2002) )) est inspirée de la vie et des amours de Teena Brandon, une fille qui s’était crée une identité de garçon et qui a été assassinée en 1993 dans des conditions tragiques. La réalisatrice, Kimberly Pierce a fait une enquête approfondie sur ce fait-divers. « Cette histoire a absorbé cinq ans de ma vie. (…) J’ai fait d’innombrables recherches » (( Extrait de l’interview de la réalisatrice, Pierce Kimberly » dans la version commentée du dvd )). Teena Brandon est une femme androgyne qui choisit de vivre comme un homme. Pour Lana, la femme qui l’aime, il représente un idéal d’homme dans un univers où les pères sont absents et les hommes rustres et brutaux. Les deux hommes de la famille d’adoption de Brandon, fragilisés par la découverte du sexe de l’amant de Lana, violent et assassinent Brandon « pour la ramener à l’état de femme et pour réaffirmer leur hétérosexualité menacée ». (( Extrait de l’interview de la réalisatrice, Pierce Kimberly, dans la version commentée du dvd )). « Boys don’t cry » n’est donc pas un film homosexuel, comme l’ont cru a tort certains critiques (( Ainsi que l’auteur de ces lignes, puisque le titre de cet article s’intitulait à l’origine : « La dénonciation d’un crime homophobe ». )) puisque Brandon ne se reconnaît pas comme une femme. Pour les « queers », il s’agit d’une manière de revendiquer une masculinité (une femme masculine) qui ne passe pas par les hommes. Quand la réalisatrice au cours de son enquête a demandé à la vraie Lana : « Auriez vous été amants si Brandon avait subi une opération pour devenir un homme ». Elle répond : « Il a toujours été un homme à mes yeux ».

Documents
Les mouvements homosexuels, gays, puis lesbiens, queers et transsexuels se sont organisés en oppositions aux savoirs médicaux et psychologiques qui se sont constitués principalement depuis le XIXème siècle et qui ont observées et pathologisées puis stigmatisées et criminalisées les personnes au comportement sexuel « déviants ». Les homosexuels, les lesbiennes, les travestis et les transsexuels ont été considérés comme des « fous » ou des malades. Pour une part, la lutte des queers, des lesbiennes et des transsexuels d’aujourd’hui peut être considérée comme le résultat de leurs protestations contre un dispositif de persécutions et de négation de leur identité sexuelle. Pour ce qui est de la psychanalyse, certains établissent un parallèle entre la manière dont la sexualité féminine a été considéré à ses débuts (Le fameux « continent noir » de Freud) et la place faite aux homosexuels, aux lesbiennes, aux transsexuels et ou travestis dans la théorie analytique actuelle. A ceci près que les psychanalystes n’ont cessé de débattre, d’élaborer et d’écrire sur ces questions et ce depuis l’origine de la psychanalyse (( Il suffit pour s’en convaincre de consulter la bibliographie établie par Pierre Henri Castel « Chronologie et bibliographie représentative du transsexualisme et des pathologies de l’identité sexuelle de 1910 à 1998 » sur son site,: http://pierrehenri.castel.free.fr )).
C’est à Karoly Maria Benkert (1869) qu’on attribue l’origine du mot « homosexualité », ce médecin et écrivain autrichien a tenté de faire reconnaître l’homosexualité « comme phénomène humain naturel » par la législation de son pays (( Javier SAEZ, Théorie queer et psychanalyse, Paris, EPEL, 2005, p 16 )). Hirchfeld, un neurologue allemand (1897), puis Havelock Ellis, un médecin anglais, (1914) en Angleterre revendiqueront des droits pour les homosexuels. La première organisation homosexuelle voit le jour en 1924 à Chicago. Après le recul dû à la deuxième guerre mondiale, (les homosexuels ont été déportés par les nazis) de nouvelles associations homosexuelles apparaissent aux Etats-Unis dans les années cinquante. Ces organisations a visé adaptative « supposent une identité homosexuelles porteuse des valeurs négatives, associées (…) au discours dominant de l’époque (maladie, anormalité, inversion) » (( Javier SAEZ, Théorie queer et psychanalyse, Paris, EPEL, 2005, p 19 )). Au début des années soixante dix, les nouveaux groupes homosexuels abandonnent le mot « homosexuel » en raison de ses origines médicales et se baptisent « gays », terme positif qui ne revendique plus l’égalité, mais la différence. Par ailleurs, ils dénoncent les institutions qui avaient marginalisé, pathologisé l’homosexualité comme la médecine, la psychiatrie, le droit et la religion » ((Javier SAEZ, Théorie queer et psychanalyse, Paris, EPEL, 2005, p 20 )). Ces mouvements de libération sont à l’origine d’importants changements dans les législations de nombreux pays. Apparaissent alors des quartiers, une population, un mode de vie, des objets de consommations « gays » qui font perdre aux mouvements homosexuels une grande partie de leur potentiel contestataire. A la fin des années quatre vingt des collectifs lesbiens refusent de se reconnaître comme « gays » et s’emparent d’une injure : « queer », qu’ils utilisent comme signe d’identité qu’ils retournent contre « l’ordre hérétocentrée » qui les nie et même contre le nouvel ordre gay. Le mot « queer » n’a pas de signification précise, mais a le sens de « sale pédé, tafiole ou gouine ». « C’est un mot sale qui dans la bouche de ceux qui se l’attribuent, montre qu’on n’est pas en train de demander la tolérance ni le respect, ni d’être accepté par un ordre excluant et normatif » ((Javier SAEZ, Théorie queer et psychanalyse, Paris, EPEL, 2005, p 22 )).